La guerre ; l'invasion ; l'occupation. La France souffre. Et cependant il se passe chaque jour des faits extraordinaires dont nul ne songe à rire. Vingt ans après, René Macart a cru possible d'écrire le roman comique de cette époque noire. Il choisit Amiens pour cadre, Amiens, limite du premier bond offensif des armées allemandes. Dès mai 1940, la ville est détruite. En août, la population s'y réinstalle, aussi
nombreuse qu'avant, dans un grouillement de troupes ennemies préparant le débarquement en Angleterre. Les avions alliés aggravent les deuils et les destructions provoqués par les stukas. La Royal Air Force bombarde la maison d'arrêt dans l'intention de libérer des résistants. Les attaques des libérateurs sont si fréquentes et si maladroites que la population évacue à nouveau la ville. René Macart étudie le comportement de nombreux personnages depuis le premier jour des hostilités jusqu 'à la Libération : les drôleries de la drôle de guerre vécues par un jeune Picard ; le bourgeois cocardier et froussard qui devient un fonctionnaire corrompu du régime nouveau ; le prédicateur sacré chantant les louanges de Pétain ; les roueries des marchands édifiant hâtivement une fortune considérable et tendant des pièges aux fonctionnaires répressifs ; le doriotiste fanatique de l'Europe nouvelle ; la vieille fille égoïste; le fils de famille membre de la Gestapo qui exerce des vengeances personnelles ; l'intendant allemand complice des mercantis ; le paysan cupide ; les petites femmes faciles ; les hauts fonctionnaires prévaricateurs ; le sourcier détecteur de cadavres et de trésors ; le chien Pataud au triste sort ; le cheval César à la noble conduite...
La difficulté des temps provoque l'épanouissement d'autres personnalités ; le vieux curé organisant de son confessionnal un réseau de résistance ; la couturière minaudière transformée en femme d'action ; le charcutier qui devient génial sous l'empire des restrictions ; les jeunes gens timides lancés dans la lutte clandestine ; l'inspecteur des contributions qui se retrouve, en prison pour s'être acharné sur la comptabilité des collaborateurs ; l'enfant qui rêve de s'engager chez de Gaulle...
Arrive le jour de la Libération : les corrompus clament leur foi en la patrie ; les marchands donnent des gages à la Résistance. On a la brusque révélation que rien ne sera changé, que les mêmes dirigeants méprisables conduiront encore les destinées du pays.
Auteur d'Échec au fisc, René Macart parle admirablement d'une époque qu'il a vue de près. Sous sa plume, le petit monde de la France occupée trouve sa vérité historique d'une façon qui rappelle certaines nouvelles de Marcel Aymé ou un roman célèbre de Jean Dutourd.