Trad. du russe par Lily Denis
Dans Le Calme (Gallimard, 1963) Iouri Vassiliévitch Bondarev, né en 1924, combattant de la guerre qu'il a racontée en trois romans parus de 1956 à 1959, avait montré la tragédie du retour des soldats dans l'apparente tranquillité, le silence rétabli quand les canons se sont tus. Il y montrait la famille des Vokhmintsev : le père, héroïque à nos yeux d'ici, a été la victime d'un de ces procès du soupçon qui n'ont que trop sévi là-bas, Sergueï, le fils qui s'inscrit à l'Institut des Mines dont il devait sortir en 1949, la jeune sœur Assia encore une enfant dont un camarade de Sergueï, Constantin Korabelnikov est secrètement épris. Les Vokhmintsev habitent dans un appartement communal partagé avec un couple de peintres, dont le mari sera accusé de cosmopolitisme parce que les couleurs de sa peinture ne sont pas gaies, et le ménage des Bykov, où l'homme, administrateur d'une usine, qui a Korabelnikov pour chauffeur, est en réalité un trafiquant et un dénonciateur. C'est ce dernier qui fait envoyer dans un camp pour dix ans avec perte du droit de correspondance Vokhmintsev père. Sergueï, refusant d'admettre la culpabilité de celui-ci, est exclu du parti, doit quitter l'Institut et partira pour le Kazakhstan où il trouvera un dur travail de mineur. Assia sera d'abord élevée par le peintre et sa femme. Quand commence La panique, elle est mariée à Korabelnikov, qui fait le taxi de nuit à Moscou.
Cette fois, le thème central de Bondarev, c'est la peur au cœur des simples gens, ce sentiment croissant qui tourne à la panique dans un monde où règne la délation. Cette peur, d'abord montrée dans la vie d'un couple, Assia et Constantin (le livre en russe s'intitule À deux – Vdvoïem), est en réalité un sentiment collectif puissant, comme le montreront les événements publics sur lesquels s'achève le roman. Roman parfois presque insupportable, qui, dans ses deux volets, montre sans complaisance la vie quotidienne d'un peuple de vainqueurs, à qui son passé, ses souffrances, ses décorations n'épargnent rien.