La phénoménologie poétique de l'œuvre d'art, dont les illustres précurseurs, en France, sont Baudelaire et Apollinaire, n'a peut-être pas de plus pur représentant actuel que Jean Tardieu.
Naguère, dans Figures – ce recueil sans analogue – Jean Tardieu découvrait, pour quelques maîtres de la peinture et de la musique, la «formule» verbale qui en permet la synthèse. Comme un chimiste, il dénombrait exactement, autour d'une grande œuvre, les constellations d'images qui en expriment la densité, la vertu, la saveur particulière.
Cette méthode, dont il s'est servi depuis, à plusieurs reprises (notamment dans Une voix sans personne), Jean Tardieu l'applique, avec L'Espace et la Flûte, à quelques improvisations «mythologiques» de Picasso ; contrairement à ce qui se passe d'habitude, ce n'est pas le peintre qui commente le texte, c'est le poète qui s'efforce de traduire en son langage la prodigieuse invention formelle de l'artiste.
Ici, comme une pierre dans l'eau, chaque dessin a fait naître, au cœur du poème, des ondes de plus en plus larges. La pierre et l'onde, le dessin et le poème sont reproduits
en vis-à-vis. Cela compose un livre bref, mais aigu et, en peu de traits, en peu de mots, ouvert à de vastes et lumineux horizons.