«J'étais bien forcé de suivre mon héroïne Catherine Crachat dans le monde où elle s'aventurait avec une hardiesse singulière et la force que donnent les situations de désespoir, car, du moins au début, telle était son attitude. Ce monde, avec son atmosphère propre et ses lois nouvelles, ne me prenait pas au dépourvu, et pourtant m'étonnait violemment, mais en fin de compte Catherine elle-même se chargeait bien de me convaincre qu'il était réel. Peu à peu je sentis que ma conviction se faisait par une autre voie que l'ordinaire. Je n'avais plus besoin, pour comprendre, d'arriver à l'évidence d'une identité, de penser que deux et deux font quatre ; le syllogisme ne me servait à rien, et m'eût plutôt gêné. C'était un autre langage, que celui que l'on parlait dans ce domaine profond et vague. Ici, la certitude arrivait de tous les côtés, par épaississement pourrait-on dire, comme les causes des événements apparaissent en même temps aux divers étages. Je me dis enfin que pour comprendre il fallait s'abandonner. Mais déjà j'étais emporté et pris dans le mouvement de cette matière spirituelle. J'eus grand mal à conserver mon sang-froid : les abîmes sont plus proches, lecteur, qu'on ne le croit généralement, et notre progrès mécanique, notre confortable vie sont déjà des choses du passé. J'avançais donc avec Catherine. C'est alors que je rencontrai ces autres personnages, ou encore ces émanations, dont je ne tiens pas à parler d'avance et que le lecteur appréciera. Dois-je avouer que dans toute
cette affaire je ne voulais faire progresser aucune science ni montrer mes opinions philosophiques, mais décrire le mieux possible la tragédie du cœur de Catherine.»
L'auteur.