Trad. de l'anglais (États-Unis) par Roger Billerey
«En quittant l'appartement de P., E. aperçut une procession de barbus conduite par un petit orchestre de tambours, flûtes et tubas. Tous portaient un tricorne. C'était le Dimanche Barbu, un jour joyeux pour tous les âges. Chaque année à cette occasion, en accord avec un décret municipal, tous les hommes portaient la barbe. Certaines étaient habilement taillées en triangle, d'autres en forme d'étoile à cinq branches. C'était un vrai jour de fête, avec une tension inquiétante dans l'air.
Malheureusement, E. s'était rasé ce matin-là. La haine des barbus était déchaînée ; ils le conspuaient et le pourchassaient armés de bâtons et de fouets. Par bonheur, ses mollets musclés lui permirent de semer le troupeau de barbes à ses trousses le long de la plaine du bord de mer qui semblait s'étendre à l'infini. E. finit par s'échapper et passer dans le no man's land. Des kilomètres et des kilomètres de sable blanc immaculé se déroulaient devant ses yeux, et s'enfonçaient à perte de vue dans l'obscurité.»