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Collection Blanche

Quelle est la collection qui, sans en être véritablement une, rassemble pourtant sous son enseigne le plus prestigieux générique de la littérature française du vingtième siècle ? La « Blanche » sans conteste — dont l'histoire, on le verra, se confond avec celle de la NRF. La « Blanche », c'est la « griffe » de Gallimard et le lien symboliquement maintenu avec les premiers temps d'une des plus grandes aventures éditoriales du siècle — gage de vitalité et d'exigence renouvelée. Le pouvoir d'attraction de la collection demeure ; les Éditions Gallimard, rappelons-le, reçoivent chaque année quelque 6 000 manuscrits, peu ou prou destinés, dans l'esprit de leurs auteurs, à cette collection emblématique. Pour les uns, auteurs ou lecteurs, elle restera à jamais la collection de Proust, de Claudel ou de Gide, pour les autres celle de Malraux, de Camus ou de Sartre, pour ceux-ci enfin celle de Belle du Seigneur, du Roi des Aulnes ou, pourquoi pas, des Vies minuscules ou de Miette. De telles proximités ne se refusent guère, même si elles ne font pas forcément école.
La « Blanche » n'a jamais eu un directeur attitré : son programme, et le fonds exceptionnel qu'elle compose désormais, est intimement lié à la vie même de la maison d'édition et de son comité de lecture — flux d'autant plus régulé, et dûment filtré, qu'il se nourrit de l'apport de mille voix et de mille rencontres. Les romans et récits y ont la part belle ; mais on verra que continuent de paraître sous la célèbre couverture force recueils poétiques, grands textes critiques, œuvres dramatiques, journaux et correspondances littéraires et quelques séries d'œuvres complètes (Artaud, Bataille, les Cahiers de Valéry ; le « théâtre » d'Audiberti, Duras, Garcia Lorca, Ghelderode, Ionesco).

Création : mai 1911
Nombre de titres parus : environ 6 800
Nombre d'auteurs édités : environ 1830 (hors collectif)
Ventes depuis parution : 86,5 millions d’ex.
Meilleure vente : Muriel Barbery. L'Élégance du hérisson (2006)

Le premier titre :
Paul Claudel. L'Otage (26 mai 1911)

Toutes les parutions

« La maison Gallimard avait joué un grand rôle dans ma vie, comme dans la vie de beaucoup. Peut-être serait-il permis de soutenir qu’elle constituait, à elle toute seule, un de ces faisceaux d’arguments qui auraient pu dissuader le Tout-Puissant de mettre fin à un univers que je peignais volontiers aux couleurs de la NRF – deux filets rouges, un filet noir. » (Jean d'Ormesson, Le Rapport Gabriel, Gallimard, 1999)

D'hier à aujourd'hui

Claudel écrivait à Gide le 2 juin 1910, quelques mois avant la création des Éditions de la Nouvelle Revue française : « Je suis très intéressé par vos projets de maison d'édition et j'espère qu'il en sortira quelque chose. Toute la question est de savoir si une entreprise commerciale peut vivre en n'éditant que des ouvrages excellents de forme et de fonds. »
Préoccupation partagée par l'auteur des Caves du Vatican :
« J'attends de cette entreprise un extraordinaire assainissement de la littérature (et de la typographie). » On se souvient que la revue La NRF avait été créée deux ans plus tôt par un groupe d'auteurs réunis autour d'André Gide. L'idée de constituer un comptoir d'édition dans le prolongement du périodique, classique à l'époque, répondait au souhait de publier les œuvres des auteurs de la revue et de ceux qui leur étaient chers. Nouveautés et fonds, l'efficace antienne ! L'appellation « Blanche » fait référence aux couleurs revêtues par la plupart des premiers volumes brochés publiés par la maison d'édition, dont les couvertures étaient de couleur crème et non jaune paille comme aujourd'hui. La maquette retenue détonait dans les rayonnages des librairies où dominait une titraille noire sur fond jaune. Que l'appellation « Blanche », par tradition et connotation très littéraire (on pense à la célèbre Revue blanche), se soit imposée et maintenue jusqu'à aujourd'hui témoigne de cette singularité formelle. Singularité renforcée après-guerre quand la NRF — qui multipliait ses collections — et les autres éditeurs français se mirent à user de plus en plus de papier coloré et de motifs ornementaux pour les couvertures typographiques de leurs publications : « Les Cahiers verts », « Les Documents bleus »…

L'histoire de la « Blanche » ? Elle serait d'abord celle de la composition progressive du fonds de l'éditeur Gallimard, lieu de pures découvertes et d'élaboration patiente des œuvres. Mais elle renvoie également aux autres collections de la maison qui, d'année en année, l'ont nourrie et continue à le faire — liées qu'elles sont ou étaient à un éditeur particulier (Paulhan pour « Métamorphoses », Lambrichs pour « Le Chemin », Sollers pour « L'Infini »…) ou voués à un genre, un thème ou un domaine linguistique propre (la « Série noire », « Haute enfance »…). la « Blanche » émerge de cet ensemble et témoigne des apports des éditeurs et des auteurs à l'aventure collective de la NRF.

Permanence et variations graphiques

La maquette de couverture a été conçue à l'occasion de la parution des trois premiers volumes de la collection par l'éditeur Verbeke à Bruges. On veille déjà au moindre détail, rien n'est laissé au hasard — on sait, depuis Mallarmé, ce que la poésie doit à la typographie, et inversement. La maquette finale relève d'un refus catégorique de traitement décoratif au profit d'une lisibilité intacte, privilégiant unité typographique et sobriété de la composition. Elle se rattache à celle de La NRF par son papier mat de couleur crème, par l'adoption d'une elzévirienne assez fine et allongée, aux contrastes de graisses peu marqués, et par l'impression en deux couleurs, rouge et noir. Elle en diffère cependant par le cadre à filet noir et double filet rouge. Cette maquette sera stabilisée durant l'entre-deux-guerres, une fois le filet horizontal entre l'auteur et le titre supprimé, le monogramme NRF traité typographiquement (Garamond puis Didot italiques), le Didot gras adopté pour l'impression du nom de l'auteur et le titre et enfin les filets rouges et noir prolongés en dos.

Au cours des années 1950 apparaissent les premiers résumés en quatrième page de couverture, en remplacement du cadre, du fleuron, du monogramme ou de l'extrait de catalogue, les bandes suivies de peu par les jaquettes, ou couvre-livres, illustrées et imprimées en couleurs (1961). Enfin, à partir de 1964, tous les volumes de la « Blanche » sont rognés et, partant, découronnés. La décennie 1980 verra une tentative d'adoption d'un papier satiné et brillant de type « kromekote », qui sera abandonné pour celui que nous connaissons aujourd'hui.

Brèves

  • Neuf premiers romans paraissent en moyenne en « Blanche » chaque année.
  • La première maquette de couverture n'est pas une création : l'imprimeur brugeois en avait déjà fait usage en 1908 pour le compte des Éditions de La Phalange.
  • À mesure que certains fonds d’éditeurs entraient dans le giron de la NRF ou que des auteurs rejoignaient Gallimard, la collection s'est enrichie d’œuvres majeures parues antérieurement : ainsi du Voyage au bout de la nuit de Céline ou des Mémoires d’Hadrien de Yourcenar…
  • Très rares sont les couvertures de « Blanche » illustrées, comme le Paris de Ramuz (1939) et Histoire(s) du cinéma de Godard (1998).
  • « "La Blanche", c’est une collection courante devenue mythique, comme la "Série noire", qui est une fabrique de roman à l’état originel, un lieu où l’on raconte des histoires. » De fait, Daniel Pennac, à qui l’on doit ces propos, fut l'un des auteurs de la série policière à revêtir les couleurs de la « Blanche ». D'autres lui emboîteront le pas : Benacquista, Daeninckx, Dantec…
  • Victime de sa notoriété, la collection a été plusieurs fois et indûment plagiée. Notons cependant quelques « déclinaisons » interne, autorisées (!) : la « Bibliothèque blanche » destinée aux enfants (1965) ou « La Noire » (1992) pour les polars.

L’impossible choix…

Quelques romans et récits en « Blanche »
Aragon. Le Paysan de Paris – Aymé. La Jument verte – Beauvoir. Mémoires d’une jeune fille rangée – Blanchot. Thomas l’obscur – Bosco. L’Âne culotte – Breton. Nadja – Camus. L’Étranger ; La Peste – Céline. Voyage au bout de la nuit – Cocteau. Thomas l’imposteur – Cohen. Belle du Seigneur – Duras.Un barrage contre le Pacifique – Gary. Les Racines du ciel – Genet. Journal du voleur – Gide. Les Caves duVatican ; Les Faux-monnayeurs – Giono. Un roi sans divertissement ; Le Hussard sur le toit – Guilloux. Le Sang noir – Jouhandeau. Les Pincengrain – Kessel. Le Lion – Larbaud. A.O. Barnabooth. Ses œuvres complètes – Le Clézio. Le Chercheur d’or – Leiris. Aurora – Mac Orlan. Le Quai des brumes – Malraux. La Condition humaine ; L’Espoir – Martin du Gard. Les Thibault – Modiano. La Place de l’étoile – Montherlant. Les Garçons – Morand. L’Homme pressé – Nimier. Les Épées – Proust. À la recherche du temps perdu – Queneau. Le Chiendent – Quignard. Tous les matins du monde – Romains. Les Copains – Saint-Exupéry. Courrier Sud ; Terre des hommes – Sarraute. Le Planétarium – Sartre. La Nausée ; Les Mots – Simenon. Le Testament Donadieu – Sollers. Femmes – Supervielle. L’Homme de la pampa – Tournier. Vendredi ou les limbes du Pacifique – Vialatte. Battling le ténébreux – Yourcenar. Souvenirs pieux

Des essais en « Blanche »
Alain. Propos – Aragon. Traité du style – Aron. Le Grand Schisme – Bataille. L’Expérience intérieure – Beauvoir. Le Deuxième Sexe – Bernanos. Nous autres Français – Blanchot. Le Livre à venir – Breton. L’Amour fou – Caillois. Babel – Camus. L’Homme révolté – Claudel. Positions et propositions – Finkielkraut.
L’Imparfait du présent – Gide. Retour de l’URSS – Giono. Refus d’obéissance – Giraudoux. Pleins pouvoirs – Glissant. Poétique de la relation – Kundera. L’Art du roman – Larbaud.Ce vice impuni, la lecture – Malraux. L’Homme précaire et la littérature – Memmi. Portrait du colonisé – Merleau-Ponty. Les Aventures de la dialectique – Pennac. Comme un roman – Ponge. L’Atelier contemporain – Poulet. L’Espace proustien – Richard. Terrains de lecture – Rivière. Études – Rouaud. La Désincarnation – Sartre. Situations – Valéry. Variété…

Quelques poètes en «Blanche »
Apollinaire – Bosquet – Char – W.Cliff – Cocteau – Desnos – Éluard – Fargue – Follain – Fombeure – Garcia Lorca – Gaspar – Glissant – Goffette – Grosjean – Guillevic – Jabès – Jaccottet – M.Jacob – Janvier – La Tour du Pin – Mallarmé – Henri Michaux – Norge – Péguy – Ponge – Réda – Roubaud – C. Roy – Saint-John Perse – Stéfan – Stétié – Supervielle – Tardieu – Valéry – Velter

Prix et distinctions

33 prix Goncourt
dont À l’ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust, La Condition humaine d’André Malraux, Les Racines du ciel de Romain Gary, Le Roi des Aulnes de Michel Tournier, Rue des Boutiques obscures de Patrick Modiano, Les Noces barbares de Yann Queffelec, Texaco de Patrick Chamoiseau, Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin, Trois femmes puissantes de Marie NDiaye, Les Bienveillantes de Jonathan Littell, L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni.

25 prix Femina
dont Silbermann de Jacques de Lacretelle, Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry, Le Promontoire de Henri Thomas, L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, La Deuxième mort de Ramón Mercader de Jorge Semprun, Ciné-roman de Roger Grenier, Sans la miséricorde du Christ d’Hector Bianciotti, Le Zèbre d’Alexandre Jardin, Nous sommes éternels de Pierrette Fleutiaux, Le Complexe de Di de Dai Sijie, Baisers de cinéma d’Éric Fottorino.

16 prix Renaudot
dont Le Jeu de patience de Louis Guilloux, La Place d’Annie Ernaux, Hadriana dans tous mes rêves de René Depestre, Chagrin d’école de Daniel Pennac, Charlotte de David Foenkinos

17 prix Interallié 
dont Au Bon beurre de Jean Dutourd, Les Élans du cœur de Félicien Marceau, Les Poneys sauvages de Michel Déon, L’Étudiant étranger de Philippe Labro, Les Causes perdues de Jean-Christophe Rufin, Jan Karski de Yannick Haenel, "Oh !" de Philippe Djian

11 prix Médicis
dont L’Organisation de Jean Rolin, Les Sept noms du peintre de Philippe Le Guillou, Le Voyage en France de Benoît Duteurtre, La Reine du silence de Marie Nimier

29 Grand Prix du Roman de l’Académie française
dont Terre des hommes d’Antoine de Saint-Exupéry, Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier, Belle du Seigneur d’Albert Cohen, Les Boulevards de ceinture de Patrick Modiano, Un taxi mauve de Michel Déon, Une poignée de gens d’Anne Wiazemski, Terrasse à Rome de Pascal Quignard, La Princesse de Mantoue de Marie Ferranti, Tout est passé si vite de Jean-Noël Pancrazi, Court serpent de Bernard du Boucheron, Les Bienveillantes de Jonathan Littell, 2084 de Boualem Sansal, Les Prépondérants d'Hédi Kaddour

5 Prix du livre Inter
dont La Petite Marchande de prose de Daniel Pennac et La Petite Chartreuse de Pierre Péju, 7 de Tristan Garcia

Informations commerciales

Principaux formats : 118 x 185 (format couronne) - 140 x 205 (format soleil) - 150 x 215 (grand format) - 185 x 215 mm. (très grand format) ; quelques titres reliés, avec jaquette
Nombre de titres disponibles : 4050
Nombre de nouveautés dans l’année : 84 (devance toutes les collections de Gallimard, hors poches)
Ventes nettes annuelles : 1,4 millions d’ex.
Prix de vente moyen : 15,70 €
Poids du fonds dans les ventes : 12 %
Nombre de réimpressions de titres du fonds dans l’année : 130
Proportion des titres repris au format poche : 45 %
Les 5 meilleures ventes du fonds :
Barbery. L’Élégance du hérisson (2006)
Pennac. Chagrin d’école (2007)
Littell. Les Bienveillantes (2006)
Marie NDiaye. Trois femmes puissantes (2009)
Cohen. Belle du seigneur (1968)

Les données concernant les ventes, les prix publics (TTC) et les réimpressions sont représentatives des quatre dernières années.
Mise à jour : juillet 2016

© Éditions Gallimard