Voici un roman rare : à la fois dans le temps et hors du temps. Il est complètement dans le temps puisqu'un décor historique l'encadre : de l'après-première guerre mondiale à l'après-seconde guerre. Décor aérien, léger parce qu'il est traité à petites touches, lourd parce que somme toute il décrit une incessante tragédie, historique et politique. Et puis, ce roman est hors du temps : il est écrit comme on n'écrit plus, à la française. Et à deux mains puisque les auteurs sont deux.
À la française. C'est un roman français, qui raconte une France qui n'existe peut-être plus, à travers une famille d'un genre qui a peu à peu disparu : la grande bourgeoisie. Un héros de ce temps évanoui est suivi de sa naissance â sa mort, dans sa famille et ses amours, dans l'indifférence superbe qui caractérise les natures incertaines.
Dans sa brillance et son insolence, c'est un roman désespéré. Comme le temps passe, tout passe. Mais, ici, le passage se fait avec style.
Les auteurs sont deux femmes qui se connaissent depuis vingt ans et ont vu, ensemble et différemment, évoluer ce milieu élégant, tragique et superficiel. L'une épousa un agent de change de New York puis un grand metteur en scène, et évolua distraitement dans le monde du cinéma et du théâtre. L'autre fut une muse de l'après-guerre et écrivit négligemment quelques livres.