L'affaire Martin Guerre est la plus célèbre, et ajoutons la plus extraordinaire, des annales judiciaires de l'Ancien Régime. Elle a fait l'entretien de nos pères, elle a été portée au théâtre et dans le roman, elle a été et est encore citée à la barre. Armand Praviel était mieux placé que quiconque pour en rajeunir et en préciser l'histoire, puisqu'elle s'est déroulée dans son propre pays et qu'elle a eu son dénouement devant ce Parlement de Toulouse, dont il a patiemment dépouillé les archives et dont il connaît tous les secrets.
De plus, il n'a eu garde d'oublier le premier commentateur de l'affaire, le fameux jurisconsulte et magistrat Jean de Coras, une des lumières de la Renaissance et de la Réforme, qui annota le procès d'une plume truculente et parfois rabelaisienne. Ses gloses humanistes sur le sosie dont fut affligé Martin Guerre, sur la cause de telles ressemblances, les bizarreries de la génération, la noirceur de l'adultère, la faiblesse des preuves testimoniales, etc., sont d'une saveur qui relève constamment l'exposé du procès. Ce problème d'une femme entre deux maris qu'elle ne parvient pas à différencier acquiert ainsi toute sa valeur sur le décor minutieusement reconstitué du XVI^e siècle languedocien, tumultueux, fanatique et passionné.
Un livre qui intéressera les juristes, les historiens et tous les amateurs de récits invraisemblables et pourtant scrupuleusement véridiques.