La première condition à laquelle doit répondre un Journal intime est de n'avoir pas été écrit en vue d'une publication. C'est le cas de Maison occupée. Janine Bouissounouse, ne pouvant correspondre avec son mari, résolut de noter à son intention, jour après jour, tous les les évènements de sa vie, à partir du moment où, rentrant de l'exode, elle trouva sa maison des environs de Paris pleine de soldats allemands.
L'existence quotidienne avec ces soudards, la lutte contre les difficultés et les misères de ces temps nouveaux, la physionomie de la petite ville, les réactions de ses diverses classes sociales devant la défaite et l'occupation, voilà ce qui constitue la trame de Maison occupée, du moins dans sa première partie, cependant que de fréquentes visites à Paris, l'évocation des figures de la Résistance devenues légendaires, ajoutent encore à l'intérêt du livre. Mais ce qui en fait un document jusqu'ici unique, c'est la relation du travail avec des Allemands antinazis (certains épisodes ont paru dans LesTemps Modernes sous le titre Trois AlIemands contre l'Allemagne). Et peu à peu l'histoire se corse, le rythme du récit s'accélère : l'auteur, impliquée dans une affaire d'espionnage, échappe miraculeusement à la Gestapo.
L'originalité de ce livre, c'est qu'au drame vécu personnellement par l'auteur, se mêle la tragédie de ces Allemands d'exception, prenant parti au péril de leur vie – l'un fut exécuté – pour la France et ses Alliés et rejetant dans leur désespoir jusqu'à' la possibilité d'une bonne Allemagne.