Un jeune homme devant la mort. Un étudiant comme bien d'autres, naïf encore, épris d'absolu, avant tout sincère. Il voit devant lui la vie, floue, un peu angoissante, mais riche de puissances. Il s'y attaque avec ferveur. Peu à peu, cependant, la maladie vient briser, tourner en faillite, chacun de ses élans. Et puis, un jour, il apprend qu'il est condamné ; que tant d'espérances n'aboutiront qu'à la mort, dans quelques semaines, – quelques semaines à vivre encore, malgré la souffrance. Alors, pour lui toutes les valeurs se reclassent en fonction de cette implacable réalité. Il est trop tard pour agir, non pour goûter d'être lui-même, s'efforcer de posséder jusqu'au bout le pauvre domaine qui se rétrécit autour de sa solitude.
Bernard, le héros de La mort jeune, évoque, par son attitude en face de ses problèmes
personnels, la position de sa génération devant l'éventualité de la guerre. C'est du moins ce qu'exprime un étudiant du même âge, à qui le roman avait été communiqué, et dont les commentaires servent d'introduction au livre. Celui-ci en reçoit une portée plus générale, d'autant que le «préfacier» reconnaît, en ce qui le concerne, les façons de penser de Bernard comme tout à fait authentiques. «Étant donnée, dit-il, la possibilité de la guerre, trois préoccupations : tâcher de la reculer le plus possible ; se rendre capable de s'y conduire proprement ; enfin vivre avant d'être tué ; donc, haut et fort, hors du mécliocre et de l'inutile.»
Ainsi Bernard est-il élevé et généreux, en aucune manière inhumain. Bien de son âge, au contraire, et de son époque, avec des faiblesses et des désespoirs, mais le goût du vrai et la haine des sensibleries.
L'auteur n'a d'ailleurs voulu illustrer aucune théorie, mais seulement sentir avec son héros ; l'émotion croissante du récit en fait foi. Et cette émotion laisse à peine paraître une composition en quelque sorte musicale, où le thème de la mort s'élève d'abord en motifs isolés, prenant à chaque rappel plus d'importance, pour envahir enfin l'orchestration tout entière, en un mouvement sans cesse accéléré.
La souffrance et les efforts de Bernard ne sauraient laisser le lecteur insensible, non plus que ses façons d'être envers ses proches, qu'il s'agisse de la jeune fille qu'il croyait aimer, de son ami carabin, de ses jeunes frères et soœurs, de sa mère ou de Dieu. Dans l'évolution religieuse de Bernard, certains protestants ont trouvé une image des étapes de la Réforme. Pourtant, l'abbé Delattre, le bon aumonier, compte bien Bernard parmi les siens. Bernard qui, sans s'inquiéter d'étiquettes, essaye simplement d'être loyal, dans l'exacte conscience de son peu d'importance.
La jeunesse, le rire, qui malgré tout subsistent en lui, permettent à cette histoire, certes
douloureuse, de n'être jamais accablante, mais empreinte d'une sorte d'ardeur.