Né entre deux guerres, dans un misérable quartier de V., paisible bourgade industrielle helvétique, Marcel Pache va connaître une prodigieuse ascension sociale. À l'heure de sa maturité, le petit commissaire sera de ceux que Jean Ziegler nomme les «Monstres froids». La richesse et la puissance acquises, il ne manque à Marcel Pache que la gloire pour se sentir vraiment un dieu : il se met un jour à écrire ses Mémoires.
Au fil des chapitres, apparaît alors, bien que décrit par lui-même d'une façon avantageuse, un personnage crapuleux dès l'enfance, veule, tout brûlant de se venger de la moindre humiliation, de bousculer les gens pour prendre leur place. Victime sa vie durant de lacunes intellectuelles graves, il y supplée par la ruse et le mensonge. Jouant de son charme physique, il trouble des êtres puissants qui l'aimeront passionnément. Son attrait pour l'argent, son goût du triomphe sur les autres, l'aveuglent : au point qu'il ne remarque pas que, tandis qu'il écrit ses Mémoires, il meurt de maladie pernicieuse. La perte progressive de ses dents devrait l'éclairer sur sa nullité intérieure.
Richard Garzarolli a localisé son personnage dans la douce Helvétie, toute frémissante, ces temps-ci, de grands scandales. Mais au-delà de ce petit pays, l'auteur parle de l'Occident tout entier, livré au goût immodéré de la puissance et à l'accaparement des biens, non pas sous l'effet d'une idéologie politique «bourgeoise» mais par simple opportunisme personnel, peut-être névrotique.
Serions-nous, sans le savoir, cernés par de tels chevaliers d'industrie?