Par delà les océans, sur les rives du Pacifique et les hauts plateaux des Andes, s'était constitué au XV^ee siècle un empire indien dont la superficie égalait six fois celle de la France actuelle et qui réalisait dans une large mesure le rêve de nos modernes socialistes. Un chef, l'Inca, assisté d'une élite restreinte, réglait la vie de la nation jusque dans les moindres détails. Les sujets, étroitement surveillés, privés de toute initiative, vivaient par et pour l'État, dans une somnolence béate. Cependant une civilisation originale s'était développée, très primitive sur certains points, fort avancée sur d'autres ; les Indiens ne connaissaient ni la roue, ni l'écriture, mais ils dressaient des statistiques, jouaient des pièces de théâtre, fabriquaient des tissus et des poteries qui font aujourd'hui l'orgueil de nos musées.
C'est dans ce milieu singulier que pénètre François Pizarre. Il triomphe de toutes les résistances : vents, courants, animaux sauvages, flèches empoisonnées,
fièvres de la forêt vierge, glaces des Cordillères ; après plusieurs tentatives infructueuses, après avoir vu périr ses compagnons par centaines, il parvient avec une poignée d'hommes à conquérir l'empire indien. Exemple typique d'audace, de courage et de persévérance. Mais à peine arrivé au pouvoir, le conquistador est menacé par ses propres compatriotes ; il a vaincu la nature et les hommes rouges, il doit encore vaincre les blancs eux-mêmes, et il meurt, à l'apogée de la gloire, frappé par ses frères d'armes dans la ville qu'il a fondée.
La vie de Pizarre dépasse son époque ; elle n'est pas seulement une suite étonnante d'exploits, elle est le drame essentiel de la race rouge, de cette race, si mystérieuse encore, qui continue de vivre dans l'ombre du passé, à l'écart des civilisations blanches.