Sinologue à Harvard, l'auteur a interrogé à Hong Kong des centaines de réfugiés chinois, pendant et après la «Révolution culturelle». Les
treize récits qu'il nous livre ici nous apportent quelque chose d'assez rare : la vision de la Chine en sa vie quotidienne, et les grands événements vus d'en bas.
Ces élèves d'une école d'agriculture subventionnée n'ont pas bonne mine quand ils ne peuvent montrer que
des porcs efflanqués à côté des bêtes prospères des paysans voisins – lesquels les envient et se moquent d'eux à la fois : on essaie une solution maoïste, mais fort coûteuse... – L'homme prudent ne doit pas confier ses pensées politiques à sa fiancée. – Un ancien «collabo» du Kuomintang est «emprunté» le temps d'une séance politique pour que tout un groupe s'époumone contre lui pendant un après-midi... – Le mariage à la campagne se poursuit selon les anciens rites (et avec paiement d'un prix de la fiancée) malgré la réprobation du secrétaire local du Parti, qui finit par fermer les yeux ; mais on va chercher la fiancée à bicyclette et non plus en palanquin... – Un jour des ouvriers de Canton désertent le travail et vont lancer, contre les privilégiés, des messages sur cerfs-volants, au sommet de la colline du Nuage blanc... – La rédaction d'un «dazibao» ; l'odyssée d'un Chinois d'outre-mer qui retrouve son frère, communiste, renvoyé à la base ; la révolution vue d'un bureau...
Un vivant tableau de cette Chine immémoriale qui change avec lenteur, où le ressentiment couve contre
une hiérarchie arrogante et corrompue, où l'on se résigne, avec un certain cynisme quotidien, au destin tracé par le Parti. Un tableau qui fait rire et pleurer, et où par moments la touche d'humanité est exquise.