Une complicité

La sangre ajena
Trad. de l'espagnol par Serge Mestre
Collection Du monde entier
Gallimard
Parution
Le secret est banal : au bout de quelques pages, on n'a plus aucun doute sur la véritable identité du jeune Miguel Goitia. Ce que l'on entrevoit à peine en revanche, c'est la trame imprévisible et obscure qui s'est tissée au cours des ans entre sa grand-mère, la riche bourgeoise Isabelle de Herráiz, et la vieille servante María Antonia Etxarri. Car si le secret est banal, la complicité, elle, donne une réelle profondeur à l'existence de ces deux femmes, liées à jamais autour d'un seul et même destin, un devoir de silence qu'aucune parole, aucun geste, ne peut trahir.
Dans une Espagne en guerre, déchirée par les combats entre franquistes et républicains, Manuel de Lope met en scène, avec une finesse remarquable, les vies parallèles d'Isabelle et de María Antonia, réunies par ce pacte inavouable dont nous découvrons progressivement l'ampleur et les conséquences. On peut l'interpréter comme une terrible vengeance contre leur sort et contre le monde des hommes. Mais il témoigne aussi de toute la force d'une solidarité féminine capable de transformer le drame le plus inhumain en une histoire scandaleusement humaine.