Théâtre
, tome I
Collection Blanche
Gallimard
Parution
Ce qui caractérise le théâtre d’Arthur Adamov, c’est sa rigueur, la netteté de la ligne dramatique et le refus délibéré de s’abandonner à ce que Jean Vilar appelle «les dentelles du dialogue et de l’intrigue ».
À une époque où le théâtre demeure, le plus souvent, littéraire, psychologique ou philosophique, Arthur Adamov s’est efforcé de faire de la scène le lieu même de l’action. Ici, tout est visible, jusqu’aux motifs cachés qui fondent le drame. Visible au point de nous proposer un véritable sens littéral. Ainsi, dans L’invasion, le désordre des pensées, qui empêche de vivre tous les personnages, se manifeste par le désordre de la chambre qu’ils habitent. Dans La grande et la petite manœuvre, la mutilation physique du héros traduit sa dépossession intérieure. Les tares morales reprochées aux «réfugiés». de Tous contre tous sont résumées dans une tare physique : ils boitent, dit-on. Enfin, le professeur Taranne, poussé par sa terreur d’être percé à jour, en vient à se dépouiller de ses vêtements.
Mais si les craintes, les désirs d’hommes réduits à leur solitude, qui constituent le thème central de cette œuvre, y sont toujours exprimés matériellement, rien dans le dialogue ne les divulgue. Théâtre de la solitude, sans doute, mais où le mot de solitude n’est pas prononcé. Aucune affirmation lyrique ou métaphysique : un langage où les mots de tous les jours acquièrent cette violence sans laquelle tout spectacle se réduit à un divertissement.
Les cinq pièces que l’on trouvera dans ce volume précisent l’image d’un théâtre moderne dont les précurseurs se nomment Kleist, Büchner, Strindberg et Pirandello.
Lire un extrait