Psaumes du pèlerin
Première parution en 1956
Parution
De 1598 à 1650 - à deux ans près les dates de Descartes - vivait dans le Deccan, au cœur du pays marathe, un boutiquier des plus humbles, et même des plus humiliés puisqu’il appartenait à la dernière des castes, celle des choudras. Un illettré, au sens actuel du mot, un véritable analphabète. Négligeant un beau jour les siens, le voilà qui se réfugie dans la jungle, en prière. Bien des femmes chez nous font encore les cafés, pour en arracher leur homme ; la femme du boutiquier courait elle aussi les collines afin de leur dérober ce nouvel amant de Dieu. Mais les affaires ennuyaient Toukârâm, notre boutiquier, qui s’occupait plutôt d’apprendre par cœur les 36000 vers du Jnânechvarî, cet illustre commentaire de la Bhagavad-Gitâ qu’à la fin du XIIᵉ siècle Jnândév composait à l’usage des petites gens. Bientôt, il sut aussi les 20000 vers du Bhâgavata d’Eknâth, le brahmane acquis à la mystique et qui se voulait «brique rouge», rien de plus, «sous les pieds de l’enfant-dieu».
«Je n’ai pas lu les livres», chantera un jour Toukârâm. Sans doute, mais il avait écouté le chant de ses deux maîtres, et sur les routes empoussiérées, l’Inde marathe tout entière scande aujourd’hui les Psaumes du pèlerin, l’œuvre du choudra illettré.
«Je n’ai pas lu les livres», chantera un jour Toukârâm. Sans doute, mais il avait écouté le chant de ses deux maîtres, et sur les routes empoussiérées, l’Inde marathe tout entière scande aujourd’hui les Psaumes du pèlerin, l’œuvre du choudra illettré.