La peine des hommes
Notre pain quotidien
Collection L'Œuvre de Pierre Hamp, éd. définitive
Gallimard
Parution
N'appartient plus au catalogue de l'éditeur depuis
1948
Le blé est devenu un des grands drames de notre civilisation. Autrefois les gouvernements étaient angoissés par la crainte d'en manquer ; aujourd'hui ils sont tourmentés par ne savoir qu'en faire. La richesse de la terre, l'abondance de la moisson, qui réalisent enfin le vieux rêve de la plénitude, du rassasiement, augmentent le trouble social et créent plus de misère que de contentement. Il faut détruire du blé et espérer en l'orage qui anéantira les épis. Au Canada, en Amérique du Nord, en Argentine le blé est devenu un combustible. En France la loi prescrit la dénaturation des farines, l'addition de noir de fumée et de bleu de méthylène pour obliger à en faire la nourriture du bétail au lieu de celles des hommes.
Que devient dans cette aberration de l'économie, l'âme du vieux paysan français, du cultivateur du lopin? Pour lui comme pour la grande culture, le blé est-il un bienfait ou un préjudice?
Pourquoi les médecins conseillent-ils de ne plus manger de pain à une époque où l'on parvient enfin à l'abondance des céréales et à libérer la société de la crainte de la famine?
Faut-il voir en cela la preuve de la déraison de l'homme incapable de s'attribuer le bonheur qu'il a si longtemps cherché : ne manquer de rien?
Quelle est la part de la meunerie, de la boulangerie dans ce bouleversement des intérêts et cette perversion des esprits? Faut-il regretter la meule de pierre et le pétrin à bras, les ailes du moulin et la sueur du mitron?
Quels changements subit l'âme des métiers et la conscience professionnelle sans laquelle aucune civilisation n'est durable?
Dans le grain de blé il y a tout un monde : le terrible monde moderne qui est incapable de réaliser son bonheur dont les éléments l'écrasent sous l'abondance au lieu de le délivrer de l'indigence.
Notre pain quotidien nous montre cette grande angoisse des métiers depuis le sillon du Valois jusqu'au four des boulangers de Marseille et de Paris. C'est le roman du pain.
Que devient dans cette aberration de l'économie, l'âme du vieux paysan français, du cultivateur du lopin? Pour lui comme pour la grande culture, le blé est-il un bienfait ou un préjudice?
Pourquoi les médecins conseillent-ils de ne plus manger de pain à une époque où l'on parvient enfin à l'abondance des céréales et à libérer la société de la crainte de la famine?
Faut-il voir en cela la preuve de la déraison de l'homme incapable de s'attribuer le bonheur qu'il a si longtemps cherché : ne manquer de rien?
Quelle est la part de la meunerie, de la boulangerie dans ce bouleversement des intérêts et cette perversion des esprits? Faut-il regretter la meule de pierre et le pétrin à bras, les ailes du moulin et la sueur du mitron?
Quels changements subit l'âme des métiers et la conscience professionnelle sans laquelle aucune civilisation n'est durable?
Dans le grain de blé il y a tout un monde : le terrible monde moderne qui est incapable de réaliser son bonheur dont les éléments l'écrasent sous l'abondance au lieu de le délivrer de l'indigence.
Notre pain quotidien nous montre cette grande angoisse des métiers depuis le sillon du Valois jusqu'au four des boulangers de Marseille et de Paris. C'est le roman du pain.