No man's land
suivi de Le monte-plats, Une petite douleur, Paysage et de Dix sketches
Adapt. de l'anglais par Éric Kahane
Collection Du monde entier
Gallimard
Parution
Le théâtre de Harold Pinter découvre un univers singulier, à la fois comique et terrifiant, fait de sous-entendus, de mal-entendus et de pas-entendus du tout.
On y voit, comme à travers un microscope, des personnages qui végètent confusément, dont on ne sait presque rien et qui sont soudain — le temps de la pièce — agressés, violés et réduits à un autre néant.
On y parle un dialogue quotidien, savoureusement banal, d’une économie précise et pourtant sibylline, qui débouche sur un impitoyable affrontement dans lequel les mots sont des armes mortelles. On prêche le faux pour savoir un vrai qui est encore plus faussé. Les questions que l’on pose ne sont pas celles qu’on a en tête, et la réponse, ou le refus de répondre, ne fait qu’accroître le gouffre d’incompréhension. La pudeur se fait violence, le sourire menace, le désir impuissance, la victoire défaite.
Le choix des œuvres qui composent ce recueil montre bien le parcours accompli par Pinter. Les premières œuvres (Une petite douleur, Le monte-plats) appartiennent à ce qu’on a appelé le théâtre de la menace : un micro-univers calfeutré, apparemment serein, qui est ravagé par un envahisseur mal défini, tout ensemble jovial et terrifiant.
Les œuvres plus récentes (Paysage, No man’s land) ajoutent un nouvel élément : la mémoire. Les souvenirs avec lesquels on jongle, ceux que l’on retrouve ou que l’on modifie ou que l’on invente, ceux qu’on vole à autrui, ceux qu’on mélange délibérément et qui se télescopent et se contredisent, jusqu’à l’effondrement du ou des jongleurs. Et le rire s’étrangle, ripe comme un saphir sur un disque usé, et se change en cri d’agonie.
É. K.
On y voit, comme à travers un microscope, des personnages qui végètent confusément, dont on ne sait presque rien et qui sont soudain — le temps de la pièce — agressés, violés et réduits à un autre néant.
On y parle un dialogue quotidien, savoureusement banal, d’une économie précise et pourtant sibylline, qui débouche sur un impitoyable affrontement dans lequel les mots sont des armes mortelles. On prêche le faux pour savoir un vrai qui est encore plus faussé. Les questions que l’on pose ne sont pas celles qu’on a en tête, et la réponse, ou le refus de répondre, ne fait qu’accroître le gouffre d’incompréhension. La pudeur se fait violence, le sourire menace, le désir impuissance, la victoire défaite.
Le choix des œuvres qui composent ce recueil montre bien le parcours accompli par Pinter. Les premières œuvres (Une petite douleur, Le monte-plats) appartiennent à ce qu’on a appelé le théâtre de la menace : un micro-univers calfeutré, apparemment serein, qui est ravagé par un envahisseur mal défini, tout ensemble jovial et terrifiant.
Les œuvres plus récentes (Paysage, No man’s land) ajoutent un nouvel élément : la mémoire. Les souvenirs avec lesquels on jongle, ceux que l’on retrouve ou que l’on modifie ou que l’on invente, ceux qu’on vole à autrui, ceux qu’on mélange délibérément et qui se télescopent et se contredisent, jusqu’à l’effondrement du ou des jongleurs. Et le rire s’étrangle, ripe comme un saphir sur un disque usé, et se change en cri d’agonie.
É. K.