Le bourgeois et l'amour

Le bourgeois arrive dans l'amour chargé des morales successives et des mythologies contradictoires qu'il hérite de son passé. Il a eu un ancêtre puritain, il a eu un grand-père romantique, lui-même doit accorder au rythme des machines l'érotisme qui l'obsède.
La littérature d'aujourd'hui exprime suffisamment ce trouble.
Rongé de plus en plus par l'abstrait, le bourgeois est incapable de regarder l'amour comme un fait, la femme comme une personne. Il cherche dans l'amour des justifications, dans la femme des pittoresques. C'est pourquoi il lui devient de plus en plus difficile de vivre avec elle, et de former avec elle un couple solide.
La crise de l'amour n'est pas autre chose que la crise même du monde moderne. Elle ne sera pas surmontée par tant d'appels à une liberté que nul ne conteste plus. La menace qui pèse sur lui n'est point qu'on l'entrave mais qu'on l'amincisse, et que dans un univers d'algébristes, il ne soit réduit à des mécanismes de plus en plus futiles : c'est la conscience de ce danger qui donne à l'œuvre de D. H. Lawrence sa résonance pathétique. Il importe de la confronter avec Le bourgeois et l'amour.