La vie et le roman

«Peut-être l'œuvre de Pierre Lièvre, à présent que son auteur n'est plus là pour la défendre et la dissimuler de son extrême discrétion, va-t-elle rayonner d'un éclat plus vif ; et l'on s'apercevra, entre autre découvertes, qu'elle offre de cette période bizarre et heureusement dépassée : l'après-guerre un tableau singulièrement aigu, qui ne le cède ni par la pénétration ni par la ressemblance à cette chronique de 1920 que fut Ouvert la nuit.
Cependant La vie et le roman sont d'une veine toute différente de L'extravagante punie, de Jeunesse se fane et des autres «Mauvais exemples». D'une veine tout intime et presque douloureuse à force de repliement sans doute y verra-t-on comment Firmin Charron s'élève, grandit, écrit le Fruit véreux (dont l'héroïne est une jeune fille : Nadine), devient romancier à succès, se marie, divorce, se remarie, écrit pour le cinéma, ainsi de suite. Cependant Firmin a une fille, la sage Angélique, qui l'inquiète, lui donne mille embarras, et l'oblige enfin à découvrir des romans à la vie, la plus étrange différence.
L'on ne peut même dire de Pierre Lièvre qu'il soit méconnu. Il est tout inconnu. Il ne devrait plus l'être, après la Vie et le roman qui est le plus nuancé et le plus complet, sinon le plus pur, de tous ses récits.»
Jean Guérin [Jean Paulhan]