La réserve du général Panfilov

Trad. du russe par Lily Denis
Collection Littératures soviétiques (no16)
Gallimard
Parution
Vainqueurs, ils erraient sans connaître leur victoire... Cette phrase domine le récit du «premier lieuteuant» kazakh Momych-Ouli, que nous avons déjà rencontré dans Quelques jours d'Alexandre Bek. Jamais peut-être comme dans ces livres la psychologie profonde des combattants n'a été ainsi mise en lumière. Ce sont encore «quelques jours» de novembre 1941 devant Moscou, devant la Chaussée de Volokolamsk ; à la veille de la contre-offensive allemande, le bataillon de Momych-Ouli, qui constitue la «réserve du général Panlilov», a été mis par ce dernier en ligne, avec ses maigres effectifs pour un front disproportionné, et il s'agit de tenir du 15 au 20.
Nous disions de Quelques jours : «Ceci est un livre contre le mensonge, pour l'invention contre les dogmes, un livre d'humanité profonde où tous ceux qui ont été soldats reconnaîtront bien des choses informulées qui ont remué en eux.» La réserve du général Panfilov nous fait toucher plus précisément ces «choses informulées», ce qui n'est pas formulable dans les rapports entre les êtres humains, ce qui, lorsqu'il s'agit de la vie et de la mort, ne saurait être réduit à la lettre d'un règlement.
Alexandre Bek vient d'avoir soixante ans. La trilogie constituée par les deux livres publiés ici et La Chaussée de Volokolamsk (dont les volets sont indépendants) tient dans la littérature soviétique une place assez singulière. Trois livres éclairent les mêmes hommes dans l'expérience de quelques semaines comme des projecteurs qui en chassent les ombres en se déplaçant : c'est, dans la méthode même du romancier, l'une de ces expériences, ici silencieusement menée, par quoi dans d'autres pays tant d'écrivains cherchent leur voie nouvelle. Il faut savoir reconnaître la nouveauté, et à autre chose qu'à la pancarte qu'on lui accroche.