On pourra s’étonner que l’auteur de tant de romans et de biographies ait accepté la suggestion d’un grand journal de se livrer à la vaste enquête qui compose une partie importante de cet ouvrage, nous montrant ainsi un visage connu seulement de ses intimes. Il faut, en effet, savoir que, de vingt à trente ans, André Maurois était homme d’action et dirigeait une industrie ;très curieux de science, il n’a jamais cessé depuis de participer à la vie quotidienne de son pays.
Comment s’étonner alors qu’il ait souhaité ici faire œuvre utile en livrant aux Français et à leurs amis étrangers les fruits d’une enquête minutieuse menée auprès de nos plus éminents techniciens? Qu’il ait été heureux, l’ayant constaté par lui-même, de pouvoir nous dire que la France a de vastes plans et les applique, que la France change de visage. Ces changements qui la transforment peu à peu échappent, par leur côté disparate, à l’information quotidienne. Ils n’échappent pas à l’écrivain que l’imagination et le rêve, partie intégrante de son œuvre, rendent plus sensible que ses contemporains aux signes annonciateurs des grands bouleversements de la civilisation et de la société.
André Maurois a hésité longuement avant d’autoriser la publication de son enquête sous forme de volume, par crainte de voir certains chiffres, certaines statistiques vite dépassés, mais il s’est rendu au désir exprimé par maints lecteurs. Et puis, pour importants qu’ils soient, les chiffres le sont moins, semble-t-il, que l’analyse des faits et des probabilités qui mènent l’auteur à nous montrer que la survivance de ce qui faisait le charme de notre pays n’est pas inconciliable avec la grande aventure des temps modernes.
Cette enquête, qui devrait mettre le lecteur en goût pour une étude plus détaillée d’un sujet complexe et immense, est complétée par une série d’essais, dans la meilleure veine de l’auteur, sur «les vertus nécessaires».