La guerre d'Indochine
III
L'Humiliation
Avec huit cartes d'Henri Jacquinet
Collection L'Air du Temps
Gallimard
Parution
Le Corps expéditionnaire s'est déjà enlisé en Indochine – enlisement dont il est heureux car c'est l'aventure à la fois cruelle, sensuelle, profitable et héroïque. Mais soudain il va connaître l'humiliation.
C'est la surprise totale. En apparence tout va bien. À Saigon, la piastre coule miraculeusement, finançant la guerre et l'idéologie pour tout le monde. Saigon, cette plaque tournante de l'argent, est alors une cité où tout n'est qu'accommodements, grouillements, mystères et jouissances. Et, pendant que prolifèrent la piastre des riches et la piastre des pauvres, le bandit Baivian devient le maître du «Grand Monde», le plus vaste établissement de jeux de l'univers, grâce à Bao-Daï. Plus tard ce Vautrin jaune sera préfet de police.
Tout est pour le mieux. On a même l'illusion de la victoire. Les Français pacifient presque complètement les deltas de la Cochinchine et du Tonkin. Les Vietminh affamés proclament que «chaque grain de riz vaut une goutte de sang». Mais il y a quelques rares prophètes de malheur qui annoncent des catastrophes prochaines, comme le général Revers. On ne le croit pas, on Ie «torpille» dans un scandale. Et pourtant il a raison en affirmant que la «solution Bao-Daï» est pourrie, en affirmant surtout qu'une avalanche d'hommes va surgir des jungles de la frontière de Chine, submergeant tout.
En effet, soudain, c'est le cataclysme. La destruction presque totale de deux colonnes françaises dans les calcaires de Dong-Khé. Rien de plus horrible que l'anéantissement de ces milliers de soldats français en pleine jungle, par des Viets innombrables. Mais une pareille défaite, c'est la conséquence de tout ce qui s'est passé depuis un an à Hanoi, à Saigon, à Paris, c'est le résultat de la bêtise des états-majors et des Gouvernements, une longue suite d'erreurs mesquines qui s'accumulent, qui créent la situation stupide et inexplicable que l'on paiera avec du sang.
Tout semble perdu. Ce sont les jours affreux de l'humiliation – les Viets, ces Jaunes que l'on dédaignait, sont les plus forts ; l'on ne croit plus à rien. Mais c'est alors, dans ce désespoir, que de Lattre recréera une foi – une illusion encore qui s'achèvera par une humiliation pire, deux ans plus tard, à Dien-Bien-Phu. De Lattre mourra, et son sacrifice n'aura servi à rien : il laisse un Corps expéditionnaire condamné.
C'est la surprise totale. En apparence tout va bien. À Saigon, la piastre coule miraculeusement, finançant la guerre et l'idéologie pour tout le monde. Saigon, cette plaque tournante de l'argent, est alors une cité où tout n'est qu'accommodements, grouillements, mystères et jouissances. Et, pendant que prolifèrent la piastre des riches et la piastre des pauvres, le bandit Baivian devient le maître du «Grand Monde», le plus vaste établissement de jeux de l'univers, grâce à Bao-Daï. Plus tard ce Vautrin jaune sera préfet de police.
Tout est pour le mieux. On a même l'illusion de la victoire. Les Français pacifient presque complètement les deltas de la Cochinchine et du Tonkin. Les Vietminh affamés proclament que «chaque grain de riz vaut une goutte de sang». Mais il y a quelques rares prophètes de malheur qui annoncent des catastrophes prochaines, comme le général Revers. On ne le croit pas, on Ie «torpille» dans un scandale. Et pourtant il a raison en affirmant que la «solution Bao-Daï» est pourrie, en affirmant surtout qu'une avalanche d'hommes va surgir des jungles de la frontière de Chine, submergeant tout.
En effet, soudain, c'est le cataclysme. La destruction presque totale de deux colonnes françaises dans les calcaires de Dong-Khé. Rien de plus horrible que l'anéantissement de ces milliers de soldats français en pleine jungle, par des Viets innombrables. Mais une pareille défaite, c'est la conséquence de tout ce qui s'est passé depuis un an à Hanoi, à Saigon, à Paris, c'est le résultat de la bêtise des états-majors et des Gouvernements, une longue suite d'erreurs mesquines qui s'accumulent, qui créent la situation stupide et inexplicable que l'on paiera avec du sang.
Tout semble perdu. Ce sont les jours affreux de l'humiliation – les Viets, ces Jaunes que l'on dédaignait, sont les plus forts ; l'on ne croit plus à rien. Mais c'est alors, dans ce désespoir, que de Lattre recréera une foi – une illusion encore qui s'achèvera par une humiliation pire, deux ans plus tard, à Dien-Bien-Phu. De Lattre mourra, et son sacrifice n'aura servi à rien : il laisse un Corps expéditionnaire condamné.