François Sureau
L'aile de nos chimères
Gallimard
Parution
«Autant avouer que j’ai toujours eu la facilité de m’approprier les souvenirs des autres, même ceux des temps reculés. Je suis une machine à souvenirs, et c’est très bien ainsi, sauf quand il y a trop de grain à moudre et que la mécanique s’arrête, me laissant écœuré de tout. J’ai connu la forêt de l’Argonne et le bal de Pavese. J’ai dîné chez Paillard, fait jouer le Quatuor Poulet. Le sable de Bir Hakeim a coulé entre mes doigts. J’ai pleuré devant Dunkerque et ri pour quelques courtisanes qui sont sous la terre… J’ai joui du spectacle de la comtesse Greffulhe sur les marches de Garnier, des papillons de la Forêt-Noire, des oiseaux que Buffon regardait. Je ne suis plus le même. Je ne serai pas le même. Je n’ai jamais été le même… Si le passé m’a fait une seconde nature, je n’y puis rien.»