Œuvres complètes
III

Journaux et lettres

. 1897-1914
Traductions nouvelles
Édition publiée sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre. Avec la collaboration de Laure Bernardi, Isabelle Kalinowski, Claire de Oliveira, Stéphane Pesnel et Jean-Claude Rambach
Collection Bibliothèque de la Pléiade (no316)
Gallimard
Parution
Faut-il le rappeler ? Les textes ici réunis n’étaient pas destinés à la publication, et Kafka eut soin de le faire savoir à son ami Max Brod : « tout ce qui se trouve dans ce que je laisse derrière moi […] en fait de journaux, manuscrits, lettres, écrites par d’autres ou par moi, dessins, etc., est à brûler sans restriction et sans être lu ». Brod divulgua pourtant ces documents, progressivement et partiellement. Son geste passa tantôt pour une trahison, tantôt pour le signe tangible d’une fidélité vraie. Il reste, quoi qu’on en pense, que ces écrits dits « intimes » enrichissent la voix de Kafka et contribuent à faire d’elle l’une des plus singulières qui soient.
Dans le sillage de ses romans, tous les écrits de Kafka ont peu à peu acquis un statut « littéraire ». D’une centaine de fiches numérotées on a fait le recueil des Aphorismes de Zürau, parfois intitulé Considérations sur le péché, la souffrance, l’espérance et la vraie voie. La Lettre au père, nouvelle « description d’un combat », fut un temps promise à l’envoi postal, mais se lit aujourd’hui comme un texte autonome, et comme l’une des clés de l’œuvre : Kafka déclara plusieurs fois son intention d’en confier le manuscrit à Milena Pollak afin de lui donner accès à une compréhension plus profonde de sa difficulté à vivre et à aimer – difficulté dont les lettres à Felice Bauer témoignent massivement. Ces lettres à Felice et les lettres à Milena (on a eu tôt fait de réduire ces jeunes femmes à leur prénom) ont été considérées comme de grands romans d’amour. Leur quantité, leur tonalité, la puissance des affects présidant à leur écriture les destinaient à une existence littéraire propre. Elles démontraient la violence chez Kafka du désir de vivre pour et par l’écriture, contre les vœux du père.
Quant au Journal, il bénéficie d’une forte image d’« œuvre pour soi ». Il fut pour son auteur un lieu de vie et de survie solitaire dans les profondeurs protectrices de l’écriture, un réseau souterrain de stockage sans cesse ouvert sur des galeries nouvelles – un terrier. Très hétérogènes, les cahiers de Journal servaient à consigner des notes personnelles et des récits de rêves, mais aussi à recueillir des chapitres de romans ou des ébauches de récits, à rédiger des brouillons de lettres, à accueillir des dessins et des exercices d’écriture. Ils sont ici traduits intégralement. Les nouvelles et récits contenus dans ces cahiers, et que l’on avait isolés pour les publier au tome I de cette édition, figurent donc de nouveau au sein du Journal, sous une autre lumière.
Le corpus intégral des lettres de Kafka, dont quelques-unes étaient encore inédites en français, est ici classé selon la chronologie, et non plus, comme autrefois, par correspondants. C’est l’occasion d’une redécouverte – l’occasion aussi de prendre conscience de l’intrication des notes personnelles ou intimes, des projets littéraires et des lettres quotidiennes. Chaque tome contient en effet les Journaux de la période considérée, suivis des lettres contemporaines, et des écrits et fragments divers datant des mêmes années.
Dans la même série
Œuvres complètes - II
Œuvres complètes - IV
1914-1924