Parution
Un publiciste adultère fusillé pour avoir déserté, une jeune bourgeoise qui a noyé son enfant et poussé son amant au suicide, une employée des postes lesbienne qui a peut-être une mort sur la conscience : les trois se retrouvent en Enfer. Contrairement à ce qu’ils croyaient, l’Enfer n’est pas une chambre de torture mais un salon Second Empire où ils vont – éternellement – s’épier, se provoquer, tenter de se séduire et surtout se déchirer. On l’aura compris : «L’Enfer, c’est les Autres.» Créé en 1944, Huis clos illustre une réflexion philosophique menée par Sartre un an plus tôt dans L’Être et le Néant, en particulier sur le «regard de l’autre» qui me constitue en «esclave» vis-à-vis de lui. À ce titre, la pièce s’inscrit dans la tradition, vivace jusqu’après la guerre, du «théâtre d’idées». Mais, en interrogeant le sens même de l’existence par des dialogues de tous les jours, dans un décor bourgeois qui figure un univers irréel, elle annonce aussi le «théâtre de l’absurde» qui triomphera dans les années 1950. Comédie de boulevard à portée métaphysique, elle doit à cette vocation paradoxale d’être aujourd’hui encore, en France et à l’étranger, l’un des plus grands succès du théâtre français contemporain.