Fragments d'un Liber Veritatis
(1941-1942)
Gallimard
Parution
N'appartient plus au catalogue de l'éditeur depuis
1992
«J'ai commencé cet ouvrage dans les derniers mois de 1941 et je l'ai poursuivi, d'un travail discontinu, pendant toute l'année suivante. Il m'avait semblé que je devais mettre à profit le silence et la solitude dans lesquels je vivais alors pour considérer ce que j'avais déjà fait et ce que, peut-être, il me serait encore donné de faire.
Jamais, depuis ma vingtième année, je ne m'étais senti aussi totalement consacré à ma vocation d'écrivain. Au fond du désastre, dans la honte et dans la douleur, elle avait été mon premier refuge et ma première raison de ne pas désespérer. Dès les premiers mois de 40, je m'étais remis au travail. Mais je m'étais promis de ne plus rien publier tant que durerait notre servitude. Tout ce que j'écrivais alors en prenait, malgré moi, une sorte d'allure testamentaire.
Mais parler ainsi à l'avenir me faisait déjà retrouver l'espérance et l'espérance me ramenait aux plus hauts devoirs. Je ne pense pas que l'on puisse être plus hanté que je l'étais alors par le désir de la probité et de la rectitude intellectuelles. Il me semblait que c'était encore défendre notre pays outragé, dans les seuls réduits qu'il n'avait pas été contraint de livrer à l'envahisseur. Les atroces mensonges de l'heure sur les plus hautes vertus, leurs sombres bouffonneries et leurs humiliantes parades me faisaient mieux sentir la nécessité de cette tâche.
Sur la première page d'un cahier d'écolier, réservé un soir à cet ordre de méditations et de recherches, j'avais d'abord écrit : Liber Veritatis, en souvenir du livre d'atelier de Claude Lorrain, notre premier grand peintre de paysages. Claude y consignait au jour le jour certaines étapes de son œuvre, pour les authentifier. Il me semblait que chaque artiste se devait de tenir comme lui son Livre de vérité. Le mien est sorti tout entier de ce titre et de la préface qu'on peut lire à la suite de cet avant-propos. Je crois bien faire en le publiant aujourd'hui sous le titre de Fragments d'un "Liber Veritatis". Cette correction m'a semblé indispensable, car il est bon d'atténuer aujourd'hui ce que pouvait autoriser l'orgueil de la solitude. [...]»
André Chamson, 1946.
Jamais, depuis ma vingtième année, je ne m'étais senti aussi totalement consacré à ma vocation d'écrivain. Au fond du désastre, dans la honte et dans la douleur, elle avait été mon premier refuge et ma première raison de ne pas désespérer. Dès les premiers mois de 40, je m'étais remis au travail. Mais je m'étais promis de ne plus rien publier tant que durerait notre servitude. Tout ce que j'écrivais alors en prenait, malgré moi, une sorte d'allure testamentaire.
Mais parler ainsi à l'avenir me faisait déjà retrouver l'espérance et l'espérance me ramenait aux plus hauts devoirs. Je ne pense pas que l'on puisse être plus hanté que je l'étais alors par le désir de la probité et de la rectitude intellectuelles. Il me semblait que c'était encore défendre notre pays outragé, dans les seuls réduits qu'il n'avait pas été contraint de livrer à l'envahisseur. Les atroces mensonges de l'heure sur les plus hautes vertus, leurs sombres bouffonneries et leurs humiliantes parades me faisaient mieux sentir la nécessité de cette tâche.
Sur la première page d'un cahier d'écolier, réservé un soir à cet ordre de méditations et de recherches, j'avais d'abord écrit : Liber Veritatis, en souvenir du livre d'atelier de Claude Lorrain, notre premier grand peintre de paysages. Claude y consignait au jour le jour certaines étapes de son œuvre, pour les authentifier. Il me semblait que chaque artiste se devait de tenir comme lui son Livre de vérité. Le mien est sorti tout entier de ce titre et de la préface qu'on peut lire à la suite de cet avant-propos. Je crois bien faire en le publiant aujourd'hui sous le titre de Fragments d'un "Liber Veritatis". Cette correction m'a semblé indispensable, car il est bon d'atténuer aujourd'hui ce que pouvait autoriser l'orgueil de la solitude. [...]»
André Chamson, 1946.