Et la mère pond vite un dernier œuf
Collection Blanche
Gallimard
Parution
« La vie est une chasse, dis-je.
Je suis un lièvre. Pas grand. Je dévale la longue pente blanche à toute vitesse. Si une neige, elle n’est pas froide, ou bien je ne la sens pas. À toute vitesse une grosse pintade me poursuit pour me mettre à mort. La pente est raide. Elle a ses limites. Même si je cours comme l’éclair, il n’y a nulle part où se cacher. Je me retourne, je suis en bas, je suis acculée, je vois l’ennemi, fondre bientôt sur moi. Un dernier recours : terrifier l’ennemi. Il me faudrait un pistolet, l’abattre, je n’ai pas d’arme, ou bien pousser un tel cri qu’il soit épouvanté. Mais les lièvres n’ont pas de voix. Seulement un rêve de cri. Faute de cri, je me brandis moi-même, je deviens petit, noir, dur comme une balle, je vise, puisse l’ennemi me prendre pour une arme, mais pour l’instant l’animal qui charge ne semble pas me voir changée en munition, je n’ai plus d’espace, la distance entre nous diminue, je suis au bord du rêve, au bas de la page je vois ma fin, s’approcher, c’est une grosse pintade grise.
Fin du lièvre. Reste le livre. »
Je suis un lièvre. Pas grand. Je dévale la longue pente blanche à toute vitesse. Si une neige, elle n’est pas froide, ou bien je ne la sens pas. À toute vitesse une grosse pintade me poursuit pour me mettre à mort. La pente est raide. Elle a ses limites. Même si je cours comme l’éclair, il n’y a nulle part où se cacher. Je me retourne, je suis en bas, je suis acculée, je vois l’ennemi, fondre bientôt sur moi. Un dernier recours : terrifier l’ennemi. Il me faudrait un pistolet, l’abattre, je n’ai pas d’arme, ou bien pousser un tel cri qu’il soit épouvanté. Mais les lièvres n’ont pas de voix. Seulement un rêve de cri. Faute de cri, je me brandis moi-même, je deviens petit, noir, dur comme une balle, je vise, puisse l’ennemi me prendre pour une arme, mais pour l’instant l’animal qui charge ne semble pas me voir changée en munition, je n’ai plus d’espace, la distance entre nous diminue, je suis au bord du rêve, au bas de la page je vois ma fin, s’approcher, c’est une grosse pintade grise.
Fin du lièvre. Reste le livre. »