Enfants de la justice
Collection L'Air du Temps
Gallimard
Parution
«Un garçon allait à l’école, c’était un enfant sage. Le père fut tué à Verdun. La mère perdit la tête : elle abandonna son fils. L’enfant fut conduit, menottes aux mains, à Auberive. Il y resta plusieurs années, dormant dans une cage trop petite pour lui. Son père reçut la Légion
d’honneur, à titre posthume. On organisa le transfert du fils, sur qui il fallait accrocher la croix. Le transfert fut pénible, parce que l’enfant, dans la cage, avait pris une Infirmité. Il arriva tout de même. On lui ôta les menottes pendant la cérémonie.
Les «enfants de la justice» sont souvent des innocents. Ils n’ont pas commis de délit. Et l’on s’étonne tout d’abord de les voir mêlés aux coupables. Mais qu’est-ce qu’un coupable? Voici l› histoire, récente cette fois, d’un autre enfant.
Sa mère était une prostituée. À la naissance de son fils, elle le mit chez une nourrice, à la campagne. Plus tard, elle voulut le reprendre, sans lui cacher son métier. Le juge plaça cet enfant dans une famille plus régulière. Il s’y assombrit. Un jour, il prit neuf cent mille francs chez ses parents adoptifs, il alla les poser dans les mains de sa mère, comme ça, sans pouvoir prononcer un mot, et partit en courant.
Il fut repris comme vagabond. Le juge estima que de ce coupable on pouvait attendre beaucoup ; peut-être beaucoup plus que d’un innocent, qui aurait oublié sa mère. les parents adoptifs l’estimèrent aussi : ils vinrent redemander l’enfant. Le juge refusa.
On voit que la justice des enfants a changé. Elle n’est plus la justice des hommes. Cependant, ce livre montre que les enfants sont parfois des hommes, des vrais. Je crois que la justice des hommes changera aussi.»
Michel Cournot.
Les «enfants de la justice» sont souvent des innocents. Ils n’ont pas commis de délit. Et l’on s’étonne tout d’abord de les voir mêlés aux coupables. Mais qu’est-ce qu’un coupable? Voici l› histoire, récente cette fois, d’un autre enfant.
Sa mère était une prostituée. À la naissance de son fils, elle le mit chez une nourrice, à la campagne. Plus tard, elle voulut le reprendre, sans lui cacher son métier. Le juge plaça cet enfant dans une famille plus régulière. Il s’y assombrit. Un jour, il prit neuf cent mille francs chez ses parents adoptifs, il alla les poser dans les mains de sa mère, comme ça, sans pouvoir prononcer un mot, et partit en courant.
Il fut repris comme vagabond. Le juge estima que de ce coupable on pouvait attendre beaucoup ; peut-être beaucoup plus que d’un innocent, qui aurait oublié sa mère. les parents adoptifs l’estimèrent aussi : ils vinrent redemander l’enfant. Le juge refusa.
On voit que la justice des enfants a changé. Elle n’est plus la justice des hommes. Cependant, ce livre montre que les enfants sont parfois des hommes, des vrais. Je crois que la justice des hommes changera aussi.»
Michel Cournot.