Connaissance du temps
Qualche notizia del tempo
Parution
«L’homme qui épouse son époque doit s’attendre à devenir rapidement veuf», disait Joseph Brodsky. Le poète n’est pas seulement contemporain de son époque, il est contemporain de la nuit des temps. Lucio Mariani est né à Rome en 1936. Mais si le monde actuel affleure ou fait même durement saillie dans ses poèmes, cette contemporanéité n’occupe pas à elle seule l’espace de sa vision, de sa sensibilité et de son imaginaire. C’est l’un des traits les plus remarquables de cette poésie : elle condense une énorme continuité temporelle. À maints égards, Lucio Mariani est aussi proche de nous qu’il peut l’être d’un poète de l’Antiquité romaine : Catulle pour l’élégance et la perfection du vers, Martial pour les aiguillons acérés d’une satire épigrammatique, Virgile pour l’extrême sensibilité au paysage méditerranéen, Horace surtout, dans une oscillation entre stoïcisme et épicurisme, dans la sereine distance prise avec le monde environnant, dans les accents de la grâce comme dans ceux de la véhémence, et parce que l’on pourrait dire de Lucio Mariani ce que Nietzsche affirmait à propos du poète des Odes : «Cette mosaïque de mots où la force rayonne à la fois par l’ensemble et par le son, la place, le sens de chaque mot, ce minimum dans le choix et le nombre de signes, ce maximum dans l’énergie atteinte – tous cela est romain et, qu’on veuille bien me croire, la distinction par excellence.»
Dans son élégance et sa luminosité toute méditerranéenne, la poésie de Lucio Mariani sait exalter la splendeur secrète de l’instant présent, tout comme elle peut affronter, dans leur trivialité et jusque dans leur horreur, les aspects les plus inquiétants du monde contemporain. Si le poète ressemble alors à Cassandre annonçant des issues funestes, il est aussi Orphée, dont le chant d’espérance ne saurait se résoudre à la mort.
Dans son élégance et sa luminosité toute méditerranéenne, la poésie de Lucio Mariani sait exalter la splendeur secrète de l’instant présent, tout comme elle peut affronter, dans leur trivialité et jusque dans leur horreur, les aspects les plus inquiétants du monde contemporain. Si le poète ressemble alors à Cassandre annonçant des issues funestes, il est aussi Orphée, dont le chant d’espérance ne saurait se résoudre à la mort.