«Les figures féminines dont il va être question dans cet ouvrage ont retenu mon attention et mon intérêt, car leurs noms à toutes cinq s’associent, étroitement ou indirectement, à ceux des grands précurseurs et aux grands événements révolutionnaires du passé.
Les révolutions et les bouleversements sociaux sont à l’ordre du jour. Pas plus les défenseurs de l’ordre actuel que ceux qui croient à la nécessité d’un changement ne peuvent nier les sérieux ébranlements qui, depuis la Grande Guerre, se sont produits dans l’édifice de notre société. L’avenir seul décidera en faveur de quels partis la balance du pouvoir penchera en dernier ressort, mais il est incontestable que chaque révolution a marqué à travers les siècles un pas en avant vers le triomphe du prolétariat.
Ces cinq femmes, dont j’essaye ici en pages brèves de faire connaître la vie, ne sont pas seulement attachantes en tant qu’individus ; à travers leurs personnalités héroïques, l› Histoire nous fait suivre le développement très net d’un mouvement en faveur des classes ouvrières.
J’essaye de comprendre notre temps, j’essaye d’approfondir les causes des grands remous sociaux. Chacune de ces femmes a contribué aux plus importants d’entre eux. C’est pour cette raison que j’ai voulu étudier leurs carrières ; pas uniquement pour cela, d’ailleurs. Mes héroïnes furent toutes des fanatiques, et le fanatisme demeure, quoi que l’on pense et que l’on dise, l’une des grandes forces psychologiques du monde. Sans certains êtres à la foi exaltée, – savants, explorateurs, médecins, leaders religieux ou révolutionnaires – l’humanité demeurerait terne et stagnante ; le monde ne connaîtrait ni évolutions, ni progrès, ni vitalité.
Le manque de mesure de la plupart des fanatiques est évidemment difficile à adapter aux routines de la vie quotidienne. Il surprend, effraye et déconcerte les êtres moyens. Sans lui cependant, rien de grand ne s’accomplit ; sans lui, l’humanité n’aurait jamais atteint son niveau actuel de civilisation.
Il y eut, avouons-le, des fanatiqqes malfaisants, ceux qui, loin d’aider à la marche du progrès, la contrarièrent et firent aveuglément fondre sur le monde les calamités et les guerres destructrices.
Malgré tout, l’Histoire reconnaîtra peut-être un jour que, dans l’ensemble, ils jouèrent un rôle bienfaisant et créateur.
À première vue, fanatiques et déséquilibrés se confondent souvent dans l’esprit de certains critiques mal avertis, et l’Histoire nous prouve qu’il est tout aussi désastreux de prendre ceux-là pour ceux-ci, que de révérer de prétendus apôtres qui ne sont que des détraqués excentriques.
Les cinq héroïnes de ce livre furent, elles, des fanatiques dans le sens le plus noble du mot. La sincérité de leur foi révolutionnaire, l’héroïque renoncement de leurs vies, leur donne à jamais droit, devant l’Histoire, au respect dû à ceux qui vécurent et moururent pour la défense d’une grande cause.»
Margaret Goldsmith.