Cahiers d'Ivry, I, II
Coffret de deux volumes vendus ensemble
Gallimard
Parution
Les derniers Cahiers d’Ivry constituent la fin des Œuvres complètes d’Antonin Artaud.

Tome I :
Ce volume couvre la période qui s’étend de février à juin 1947. Inlassablement, il continue d’y mettre en espace ce qu’il nomme son nouveau Théâtre de la Cruauté. Que signifie avoir «un esprit qui littérairement existe»? C’est la question qu’il posait à ses débuts à Jacques Rivière, le directeur de La NRF. Vingt ans plus tard, après une longue traversée d’enfermements asilaires, la question est réapparue. C’est bien en effet cette fondamentale question de l’inspiration – question qui hanta aussi les surréalistes – qu’il reprend sans relâche : comment commence-t-on à écrire? Qui écrit, qui pense en moi? Quel démon s’empare du Verbe humain avant qu’il ait commencé à penser? Au fil des pages, les lettres se mettent en mouvement, un rythme progressivement émerge, accompagné de coups, de cris : chorégraphie de gestes et de voix, dessins semés sur la feuille.
«Je ne suis jamais né», répète-t-il depuis son enfermement dans l’asile de Rodez, et donc je ne peux pas mourir. À entendre comme production infinie d’écriture, système perpétuel, «machine de souffle», prolifération sans fin d’un corps sans organes. C’est donc là, au creux des pages, entre les pages et les lignes, d’un cahier à l’autre, que s’opère «la matérialisation corporelle et réelle d’un être intégral de poésie» (lettre du 6 octobre 1946 à Henri Parisot).

Tome II :
Ce deuxième volume des Cahiers d’Ivry (juin 1947 - mars 1948) présente les derniers écrits d’Antonin Artaud, jusqu’à sa mort, le 4 mars 1948. Il y reprend sa théorie du Théâtre de la Cruauté, l’élargissant aux dimensions du cosmos tout entier. Ces ultimes cahiers sont, plus que jamais, la dramaturgie d’une lutte : contre Dieu, les esprits, le sexe humain, l’inconscient, la poésie littéraire, le corps où il étouffe, l’obscénité de la mort… Il y explore une fois encore cette contradiction douloureuse : comment affecter le spectateur, le lecteur, comment jouir à travers lui de ces sensations que je ne puis ressentir dans mon propre corps? «Je n’ai pas de corps», répète-t-il, dans les années vingt. Cruauté est le nom de cette logique paradoxale. Ce qui le hante alors? Le modèle théâtral et christique de la transsubstantiation corporelle. La répétition au théâtre, il l’a toujours dit, est une réitération. Chaque fois, il s’agit de refaire le trajet vital du geste, puisé dans sa source corporelle : respiration, circulation du sang entre les corps, mouvements articulés du verbe, vibrations corporelles des mots lancés, cri de la vie.
Il est seul à présent sur cette ultime scène, celle des petits cahiers où il joue tous les rôles – dernière tentative peut-être d’hystériser la scène d’écriture, pour combattre la violence psychotique qui, toujours, menace.