Cahiers
(1894-1914)
, tome IX
: 1907-1909
Édition publiée sous la direction de Nicole Celeyrette-Pietri et Robert Pickering avec la collaboration de Monique Allain-Castrillo, Michèle Aquien, Gabriele Fedrigo, Paul Gifford, Françoise Haffner, Jean Hainaut, Micheline Hontebeyrie, Jacqueline Kourieh, Huguette Laurenti, Éric-Olivier Le Bigot, Florence de Lussy, William Marx, Janeta Ouzounova-Maspero, Régine Pietra, Lucien-Max Rognon, Paul Ryan, Antonietta Sanna, Jürgen Schmidt-Radefeldt, Brian Stimpson et Christina Vogel
Collection Blanche
Gallimard
Parution
S'il faut marquer une étape dans les Cahiers, c'est la période 1908-1910, où s'installe dans l'écriture valéryenne une modification montrant la complexité de la genèse du texte en fragments. Ce volume IX propose, avec le dernier des grands cahiers-registres, un carnet d'écrivain de 1909-1910 et des feuilles volantes de la même époque. Valéry reprend des thèmes déjà traités : le sentiment, le sommeil, l'éveil, la parole intérieure, le langage, l'attente. S'y affirme aussi une ouverture vers le monde artistique, moins sensible dans les cahiers précédents, où dominait la recherche abstraite. Mais surtout, la forte présence de l'Ego est ici perceptible. Souvent, le je n'est plus cette forme presque vide, un je qui est un on, un il, mais le Paul Valéry de
1908-1909, qui a vécu, il l'écrit à Gide, une dure crise intellectuelle. Des notules disant la jalousie, l'orgueil blessé, l'atteinte du «point
sensible» prennent l'accent rare d'un journal intime, tel le Journal d'Amiel. L'œuvre ennemie n'est pas nommée, même s'il s'agit sans doute d'un livre d'Ernest Mach. Désormais, le travail important, de choix, de réécriture, de synthèse, réside dans les feuilles volantes parallèles, qui ne sont pas de simples «copies». Inscrit dans le devenir de la réflexion, il répond à un désir d'organisation thématique, sélectionnant dans les registres précédents des fragments touchant à ce qui s'appela un jour «My Psychology». Les idées les plus propices à la mise au point d'une philosophie personnelle s'y formulent, constituant un ensemble dont la cohérence est plus évidente que dans la démarche chronologique des Cahiers.
Le carnet inédit de 1910 éclaire un autre aspect de Valéry : son intérêt pour la Somme théologique de Thomas d'Aquin, qui, au-delà du problème religieux, touche à une théorie de la connaissance héritée d'Aristote, réhabilitant l'expérience sensible. Ce moment de rencontres intellectuelles fortes, inscrit ici dans la variété de l'écriture, reconduira bientôt à la poésie.
Le carnet inédit de 1910 éclaire un autre aspect de Valéry : son intérêt pour la Somme théologique de Thomas d'Aquin, qui, au-delà du problème religieux, touche à une théorie de la connaissance héritée d'Aristote, réhabilitant l'expérience sensible. Ce moment de rencontres intellectuelles fortes, inscrit ici dans la variété de l'écriture, reconduira bientôt à la poésie.