Entretien

Patrick Modiano et Christian Mazzalai nous parlent de 70bis

Patrick Modiano et Christian Mazzalai miniature

« La rue Notre-Dame-des-Champs se trouve au cœur du village de Montparnasse. Mais peut-on parler d’un village comme on le dit de Montmartre ? Il n’existe pas, pour le Montparnasse d’il y a deux cents ans, l’équivalent des pages si émouvantes et si élégiaques que Gérard de Nerval a consacrées au Montmartre des années dix-huit cent quarante […] Alors il faut rêver à ce que pouvait être à la même époque la rue Notre-Dame-des-Champs, qui s’était appelée jadis le “chemin Herbu”. »

Où se trouve ce « 70bis » du titre ? 

Patrick Modiano : Il s’agit du 70bis de la rue Notre-Dame-des-Champs, une rue qui est au cœur du quartier de Montparnasse. Déjà, dans le Bottin de 1894, on y mentionnait une centaine de peintres et de sculpteurs.

 

Comment le projet est-il né, et comment s’est-il développé ? 

Christian Mazzalai : J’habite le quartier depuis un certain temps et, après une longue tournée à l’étranger avec mon groupe Phœnix, dans lequel je suis guitariste, j’ai eu l’occasion de travailler dans un studio d’enregistrement tout près du 70 bis. J’avais repéré qu’à plusieurs reprises une dame américaine s’arrêtait devant le 70bis. Elle a fini par me dire que son père était peut-être Ezra Pound, qui avait habité dans cette maison. Cela a été le début de notre enquête.

P. M. : Le projet a pris forme grâce à une caisse de documents qu’un ami de Christian Mazzalai a trouvé dans une cave du 70bis et qu’il lui a remis. Ces documents concernaient de nombreux habitants du 70bis, du Second Empire jusqu’à nos jours.

 

Pourrait-on considérer cet ouvrages comme le « carnet de fouilles » d’une capsule spatio-temporelle ?

P. M. : Oui, il s’agit bien d’un carnet de fouilles où sont répertoriées des photos, des petites annonces de journaux qui nous parvenaient du 70bis comme des signaux de morse, des faits divers qui ont eu lieu à cette adresse. Je me souviens d’une visite avec Christian dans les caves encombrées du 70bis, où nous avancions comme des spéléologues.

 

Quels ont été les personnages les plus inattendus, les plus surprenants, que vous ayez croisés ?

C. M. : Des artistes renommés, Monet, Renoir, Picasso, George Sand, mais aussi le singe Jacques, le jeune étudiant anglais Robert Short, sœur Emmanuelle, le Cavalier Bleu, Rita Renoir…

P. M. : Bien qu’il s’agissait souvent de peintres ou d’écrivains, comme il était logique dans ce quartier de Montparnasse, nous n’avions pas sur eux un regard de critiques d’art ou de critiques littéraires. Ce qui nous intéressait, c’était le côté disparate des habitants successifs du 70bis, et nous nous demandions ce qu’ils avaient à se dire, ou s’ils se disaient quelque chose, quand ils se croisaient dans les couloirs.

 

Que reste-t-il du Montparnasse que vous ressuscitez dans ces pages ?

P. M. : Pour rendre le sujet plus vivant et plus présent, nous avons choisi un lieu unique et précis. Là se sont croisés pendant deux siècles, dans les ateliers et le jardin, une centaine de personnes que nous avons pu identifier. Le choix d’une unité de lieu et d’un espace bien défini et limité nous permettait de resusciter plus facilement le temps perdu.

C. M. : Il reste des indices derrière les murs et les pierres effritées, des personnages étranges, un long cortège qui résonne encore jusqu’à nous…

 

Retrouvez l’intégralité de cet entretien sur gallimard.fr

 

Oct. 25 • Récit • 9782073123633

Dernière parution : La danseuse • Collection blanche