Histoire d'un catalogue

La « Série Noire » en quelques dates

Marcel Duhamel, fondateur de la Série Noire. Archives Gallimard

Chronologie indicative retraçant l’histoire éditoriale, commerciale et littéraire de la Série noire, collection emblématique des Éditions Gallimard fondée en 1945 par Marcel Duhamel.

Duhamel a inventé la grande littérature morale de notre époque. 
Il faisait semblant de ne pas le savoir.

Jean-Patrick Manchette

1945

Naissance de la « Série Noire » avec la parution de deux titres de Peter Cheyney :

  • Juillet : La Môme vert-de-gris (n° 1),
  • Août : Cet homme est dangereux (n° 2)

Les volumes de la collection créée par Marcel Duhamel sont brochés, sous couverture noire bordée de blanc, avec un traitement typographique blanc et jaune.

1946

  • Parution de Pas d’orchidées pour Miss Blandish de James Hadley Chase (n° 3), qui publiera à la « Série Noire » près d’une soixantaine de romans en vingt ans.

1948

  • Réorganisation et « renforcement » de la collection au cours du premier semestre sous l’impulsion de Claude Gallimard.
  • Juillet : passage de deux titres par an à deux titres par mois. Publication des deux premiers volumes « nouvelle manière » : De quoi se marrer de Peter Cheyney (n° 9) et La Chair de l’orchidée de James Hadley Chase (n° 10), dans des volumes cartonnés sous jaquette blanche et noire, bientôt suivis de Dans la peau de James M. Cain (n° 11).
  • Marcel Duhamel prend officiellement la direction de la collection (contrat du 15 septembre 1948).
  • Décembre : entrée au catalogue du premier auteur français de la « Série Noire », avec La Mort et l’Ange de Terry Stewart (n° 18).

1949

  • Apparition des premières annonces publicitaires sur les jaquettes.
  • Février : entrée au catalogue de Dashiell Hammett avec La Clé de verre (n° 23).
  • Septembre : parution des Femmes s’en balancent (n° 22), dernier titre de Peter Cheyney publié dans la « Série Noire ».
  • Octobre : création de la « Série blême » (première déclinaison de la « Série Noire » dédiée aux « Suspense Stories ») avec J’ai épousé une ombre de William Irish. Le projet de créer une « Série rouge » consacrée aux romans purement policiers n’aboutit pas.

1950

  • Jean Meckert, sous le pseudonyme John Amila, publie Y’a pas de bon Dieu ! (n° 53).

1952

  • André Piljean obtient le premier Grand Prix de Littérature policière de la collection pour Passons la monnaie ! (n° 98), paru en 1951.
  • Le prix des Deux-Magots est attribué à Touchez pas au Grisbi ! d’Albert Simonin (n° 148).

1954

  • Publication de Du rififi chez les hommes, d’Auguste le Breton (n° 185) et du Gorille vous salue bien de A.-L. Dominique (n° 220), premier opus de la série des exploits de Géo Paquet, dit le Gorille, agent des services spéciaux.

1955

  • La « Série Noire » a 10 ans. Plus de dix millions d’exemplaires ont été vendus depuis la création de la collection. Son catalogue compte plus de 230 titres, les ventes moyennes sont supérieures à 40 000 exemplaires.

1956

  • Charles Williams obtient le Grand Prix de Littérature policière pour Peaux de bananes (n° 294).
  • Parution de Du balai ! (n° 341), premier épisode de la chronique du 87e District d’Ed McBain, mettant en scène les enquêtes d’une brigade d’inspecteurs dans la ville fictive d’Isola, transposition de Manhattan.

1958

  • Février : Le Deuxième souffle, de José Giovanni (n° 414), mettant en scène un personnage inspiré d’un caïd marseillais, est le premier ouvrage à bénéficier d’un changement de maquette pour une couverture brochée glacée.
  • Mars : parution de La Reine des Pommes de Chester Himes (n° 419). Plus de 80 000 exemplaires de l’ouvrage, récompensé par Grand Prix de Littérature policière, sont vendus.

1959

  • À Pâlir la nuit (n° 477), premier titre de Carter Brown dans la « Série Noire ». La collection comptera plus d’une centaine de titres de l’auteur anglais repéré par Claude Gallimard.

1960

  • Sortie du les écrans de Tirez sur le pianiste, par François Truffaut d’après le livre éponyme de David Goodis paru en 1957 (n° 379).
  • Avec la parution du Cyclope exorbité d’Edward S. Aarons (n° 580), les romans d’espionnage que distingue une bande jaune s’implantent durablement à la « Série Noire ». On espère relancer par ce biais les ventes de la collection.

1961

  • 1er février : entrée de Robert Soulat à la « Série Noire » en qualité de traducteur, à la suite d’une annonce passée par Marcel Duhamel dans l’édition du Monde du 21 janvier.
  • Juin : publication de In ze pocket de Walter S. Tevis (n° 643), traduit par Duhamel et adapté la même année au cinéma par Robert Rossen, sous le titre L’Arnaqueur, avec Paul Newman.

1963

  • Mars : sortie de Mélodie en sous-sol, réalisé par Henri Verneuil d’après le roman éponyme de John Trinian (n° 684), avec Jean Gabin et Alain Delon.
  • Novembre : sortie des Tontons flingueurs, film parodique de Georges Lautner et Michel Audiard, d’après Grisbi or not grisbi d’Albert Simonin paru en 1955 (n° 260).

1964

Apparition des premiers ouvrages estampillés « suspense » au moyen d’une bande rouge.

1965

  • Novembre : sortie de Pierrot le fou, par Jean-Luc Godard et avec Jean-Paul Belmondo, d’après Le Démon d’onze heures de Lionel White, paru deux ans auparavant (n° 803).

1966

  • Janvier : la « Série Noire » fête la publication du n° 1000 de la collection, 1275 âmes de Jim Thompson. Le 19, la librairie La Pochade, boulevard Saint-Germain à Paris, organise une « Cocktail-Fiesta » en l’honneur de la « Série Noire ».
  • Parution de Crème anglaise de Robin Cook (n° 1042).

1967

Création avec Hachette de « Poche Noire », permettant une deuxième exploitation du fonds à prix réduit, et où sont publiés les épuisés de la « Série Noire ».

1968

  • Publication des Morfalous de Pierre Siniac (n° 1244).
  • Sortie de Bullit de Peter Yates et avec Steve McQueen, d’après Silence de mort de Robert L. Pike, paru en 1965 (n° 951).

1969

  • Parution de Drôle de pistolet de Francis Ryck (n° 1249), récompensé par le Grand Prix de Littérature policière, et adapté en 1973 par Claude Pinoteau au cinéma, sous le titre Le Silencieux, avec Lino Ventura.

1970

  • Décembre : Marcel Duhamel accorde un entretien au Nouvel Observateur à l’occasion des 25 ans de la collection (« Les vingt-cinq bougies de la môme en noir », 28 décembre 1970). Au journaliste qui s’inquiète de l’avenir de la collection, Duhamel répond : « Il n’y a pas de raison de désespérer de l’immoralité publique. »

1971

  • Entrée de Jean-Patrick Manchette dans la collection avec la publication de L’Affaire N’Gustro (n° 1407) et de Laissez bronzer les cadavres (n° 1394) co-écrit avec Jean-Pierre Bastid. Suivront, entre autres, Nada (n° 1538, 1972), Que d’os (n° 2456, 1976) et La Position du tireur couché (n° 1856, 1981).
  • Publication de B comme Baptiste de Janine Oriano (n° 1391), première romancière française à la « Série Noire », et de La Divine Surprise d’A.D.G. (n° 1429).

1972

  • Les livres de la « Série Noire » sont dotés en janvier d’une nouvelle couverture, revue par Massin, où le choix d’une typographie plus contemporaine met en valeur les noms de l’éditeur et de la collection. Le monogramme NRF disparait.
  • « Carré Noir » succède à la « Poche Noire », après que Gallimard a mis fin à son contrat de diffusion avec Hachette. Les titres phares de la « Série Noire »  sont repris dans « Carré Noir » qui publie par ailleurs des inédits de James Hadley Chase et de Carter Brown.

1973

  • Marcel Duhamel signe Raconte pas ta vie, livre de mémoires publié au Mercure de France.
  • Le Grand Prix de Littérature policière est attribué à Jean-Patrick Manchette pour Ô dingos, ô châteaux !, paru l’année précédente (n° 1489).

1974

  • L’équipe de la « Série Noire » s’installe dans les sous-sols voutés de la NRF.
  • Juillet : création de « Super Noire », nouvelle déclinaison de la « Série Noire » dont elle se distingue par une illustration en noir et blanc en couverture, une pagination plus importante et un prix plus élevé. Les inédits sont désormais publiés sous ce label.
  • Premier titre à paraitre en « Super Noire » : Adieu Poulet ! de Raf Vallet, auteur dans la « Série Noire » du remarqué Mort d’un pourri en 1972 (n° 1527). Le livre reçoit le Prix Mystère de la Critique, organisé par Mystère-Magazine qui l’a élu « meilleur roman policier 1974 ». Il est adapté l’année suivante au cinéma par Pierre Granier-Deferre.

1977

  • 6 mars : décès de Marcel Duhamel. Robert Soulat, entré à la « Série Noire » en 1961, reprend les rênes de la collection.
  • Parution en « Super Noire » de Marilyn la dingue (juillet), Zyeux-Bleus (septembre) et Kermesse à Manhattan, la trilogie d’Isaac Sidel signée Jerome Charyn.

1978

  • Parution de Mardi-Gris, le premier roman d’Hervé Prudon (n° 1724).
  • Joseph Bialot reçoit le Grand Prix de Littérature policière pour son premier roman, Le Salon du prêt à saigner (n° 1749).

1979

  • La « Série Noire » adopte une nouvelle maquette de couverture, illustrée par un dessin ou une photographie dans un cartouche circulaire.
  • Sortie du film Série noire, adaptation par Alain Corneau  des Cliques et des cloaques de Jim Thompson paru en 1967 (n° 1106).
  • Avril : interruption de « Super Noire ». 133 livres ont paru dans la collection. 

1980

Sortie de Trois hommes à abattre, adaptation par Jacques Deray du Petit Bleu de la côte ouest de Jean-Patrick Manchette publié en 1976 (n° 1714).

1981

  • Pierre Siniac, Grand Prix de Littérature policière pour deux recueils de nouvelles, L’Unijambiste de la côte 284 (n° 1773) et Reflets changeants sur mare de sang (n° 1776).
  • Après sept ans de silence, Jean Amila publie Le Pigeon du faubourg. Au balcon d’Hi­roshima, paru quatre ans après, reçoit le prix Mystère de la critique.

1983

Publication de 55 de fièvre de Tito Topin (n° 1905), où apparait le personnage d’Émile Gonzales (alias le commissaire Navarro dans la série télévisée diffusée par TF1).

1984

  • La « Série Noire »  ouvre son catalogue à quatre nouveaux auteurs français : Didier Daeninckx avec Meurtres pour mémoire (n° 1945, Grand Prix de la Littérature policière), Thierry Jonquet avec Mygale (n° 1949), Marc Villard avec Ballon mort (n° 1964) et Jean-Bernard Pouy avec Nous avons brûlé une sainte (n° 1967).
  • Le Prix Mystère de la Critique 1984 est attribué à Tito Topin pour 55 de fièvre (n° 1905, 1983)  et à Robin Cook pour On ne meurt que deux fois (n° 1919, 1983)

1985

  • La Bête et la belle de Thierry Jonquet  est le 2000e numéro de la collection
  • Au bonheur des ogres, premier roman de Daniel Pennac, est publié dans la « Série Noire » (n° 2004) : le premier volume de la saga des Malaussène atteint 40 000 exemplaires en édition courante.

1988

Mai : interruption de « Carré Noir ». La collection compte 586 numéros.

1989

Tonino Benacquista fait son entrée dans la collection, avec La Maldonne des sleepings (n° 2167).

1991

Antoine Gallimard confie au romancier et critique Patrick Raynal la direction de la collection, qui l’ouvre, notamment, aux pays nordiques avec Matti Yrjänä Joensuu, à la Russie avec les frères Vaïner, et au continent africain avec Moussa Konaté et Aïda Mady Diallo.

1992

  • Janvier : publication de Cosmix Banditos d’Allan C. Weisbecker (n° 2288). À partir de ce titre, les couvertures se rapprochent de la maquette originelle de la collection (disparition des illustrations, fond noir, titraille jaune, retour du monogramme NRF).
  • Avril : Patrick Raynal crée « La Noire », une collection de grand format dédiée plus spécifiquement au roman noir, qui permet d’accueillir James Crumley à la NRF (Un pour marquer la cadence).

1994

  • Adaptation pour la « Série Noire » d’Œdipe Roi par Didier Lamaison (n° 2355).
  • Parution de La Foire aux serpents d’Harry Crews (n° 2359).

1995

  • Parution des Racines du mal de Maurice G. Dantec (n° 2379), livre hors norme de plus de 600 pages. Son premier ouvrage dans la collection, La Sirène rouge (n° 2326), a paru en 1993.
  • 12 juin. La collection fête son 50e anniversaire dans les jardins de la NRF.
  • Parution de Total Khéops de Jean-Claude Izzo (n° 2370), premier volume de la trilogie de Fabio Montale. 

1996

Octobre : parution de La Religion des ratés de Nick Tosches (n° 2437).

2001

Octobre. La « Série Noire » passe au format semi-poche (125 x 190 mm). Les illustrations font leur réapparition sur les couvertures, annonçant un traitement différencié de chaque volume.

2005

  • Aurélien Masson devient directeur de la « Série Noire ».
  • La « Série Noire » passe au grand format et abandonne la numérotation. Elle publie désormais 15 titres par an.

2006

  • Jo Nesbø entre dans la collection avec L’étoile du diable. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole.

2012

  • Parution de Mapuche de Cayl Férey, prix Landerneau-Polar et prix du meilleur polar français du magazine Lire (2012) et prix Ténébris (2013).

2015

  • À l’occasion de son 70e anniversaire, la « Série Noire » adopte une nouvelle maquette illustrée reprenant le liseré blanc et les couleurs noir et jaune emblématiques de la collection.
  • Parution en novembre de l’album C’est l’histoire de la Série Noire, retraçant pour la première fois l’histoire éditoriale, commerciale et littéraire de la collection.

2017

  • Stéfanie Delestré devient directrice de la « Série Noire ».

2021

  • Dolores Redondo reçoit le grand prix des lectrices de Elle pour La Face nord du cœur.

 

D’après C’est l’histoire de la Série Noire. Édition publiée sous la direction d’Alban Cerisier et Franck Lhomeau 
avec la collaboration d’Aurelien Masson, Claude Mesplède, Patrick Raynal et Benoît Tadié, Gallimard, 2015.
© Éditions Gallimard
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