Actualité

À lire dans le dernier numéro de La NRF

Lisez le monde avec ceux qui l'écrivent

Que faire de nos vengeances ?
Avec Philippe Claudel, Laurent Gaudé, Camille Laurens, Vanessa Springora, Leïla Slimani, Éric Ruf...

Le 5 juin 2025 en librairie.

Éditorial, par Olivia Gesbert

Shakespeare, Racine, Balzac, Dumas, Choderlos de Laclos, Mérimée, Barbey d’Aurevilly et tant d’autres, vipère au poing, ont fait de la vengeance un impitoyable ressort dramaturgique ou romanesque. Pour défendre son clan ou pour l’honneur d’un seul. « Si la littérature célèbre la vengeance, les écrivains accusés de s’y adonner ne sont jamais des héros », rappelle l’écrivaine Camille Laurens en ouverture de notre dossier, « et encore moins des héroïnes ! ».

« J’attire votre attention… » Quatrième plat de couverture de la jaquette d’Un… tout seul de Bruce Elliott dans la Série Noire, 1954
Également au sommaire de La NRF printemps-été 2025 : la Série Noire a 80 ans...

Mais quelque chose dans l’air du temps laisse à penser que la vengeance serait peut-être en train de changer de camp. Ou l’image qu’on en a. Que faire de nos vengeances ? Dans la veine d’Annie Ernaux, se revendiquant elle-même d’Arthur Rimbaud lorsqu’elle raconte s’être promis d’écrire pour « venger [s]a race », les romanciers Leïla Slimani et Laurent Gaudé voient dans la vengeance une force dynamique qui met l’écriture en mouvement et déplace les frontières de la création. Les poèmes de Rim Battal et de Victor Malzac rallument la flamme et rechargent l’arme. Contrairement à Philippe Claudel qui, même s’il ne manque pas de motifs, préfère désamorcer la vengeance et la reléguer au passé. Ou François Bégaudeau qui juge la littérature trop pure pour s’y frotter sans se fourvoyer.

Si la littérature post-#MeToo questionne un milieu historiquement dominé par les hommes, est-elle nourrie par un souci de justice ou par un esprit de revanche ? Le Consentement de Vanessa Springora, pièce maîtresse de ce renouveau, a-t-il été pensé comme un livre-châtiment ?

Plus récemment encore : dans le procès des viols de Mazan, la justice est-elle parvenue à raisonner nos colères ? Drapée dans une dignité sans faille, Gisèle Pelicot a contredit toutes les représentations de la femme vengeresse, de Médée à Clytemnestre… Sabrina Cerqueira s’interroge sur ce procès hors norme, avec la mythologie grecque, Nietzsche et surtout Hegel, pour qui la vengeance n’a pas la forme du droit, mais « celle de l’arbitraire ».

De Mazan aux Gilets jaunes, ce n’est pas un hasard si les écrivains font une lecture « littéraire » de l’époque et cherchent de nouveaux mots pour la dire. Avec Marcus Malte, les rapports de domination s’inversent et les comptes se règlent sur l’oreiller, tandis que Kev Lambert critique une érotique de la vengeance de classe exaltée dans l’affaire Luigi Mangione. Depuis quelque temps, le langage lui même serait devenu fou, en complètes « Représailles giration », comme dans un cauchemar de Constantin Alexandrakis.

La littérature peut-elle venger les blessures d’un peuple ? Alors que, dans un livre paru récemment, Dror Mishani se fait le témoin d’une société israélienne obsédée par la vengeance depuis le traumatisme du 7-Octobre, deux écrivains – Yaniv Iczkovits, ancien soldat devenu philosophe et romancier, et Valérie Zenatti à travers l’œuvre d’Aharon Appelfeld – se retournent vers le passé pour questionner les convictions des écrivains de l’après-Shoah.

Aimantée par son titre, La littérature est ma vengeance, je replongeais récemment dans une conversation entre le Péruvien Mario Vargas Llosa et l’Italien Claudio Magris. Titre d’autant plus énigmatique qu’il n’est jamais explicité dans ces pages. On y glane cependant cette idée si chère à l’auteur de La fête au bouc, décédé ce printemps à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, que la littérature permet de nous « arracher à cette vie qui est chaos et confusion », pour y revenir avec une sensibilité plus aiguisée. Les histoires nous divertissent, rappelle Mario Vargas Llosa, « mais nous éduquent aussi en nous amenant à censurer le monde réel ». « Tout comme écrire, pensait également le Prix Nobel de littérature, lire c’est protester contre les insuffisances de la vie. »

 

Retrouvez toute La NRF sur le site de la revue : https://www.lanrf.fr/

 

 

S'abonner à La NRF

Pour vous abonner à la revue La Nouvelle Revue Française, ou acheter des numéros à l'unité, au format imprimé :

Par mail : abonnements@revues-gallimard.fr, en précisant le nom de la revue.

Par courrier :
Revue La NRF c/o Opper Services
20, rue Rouget-de-Lisle
92130 Issy-Les-Moulineaux

Numéro de téléphone du service relations clients : 05 32 09 37 39.

Pour acheter des numéros de la revue ou des articles à l'unité, au format numérique, rendez-vous sur le site www.lanrf.fr

Pour découvrir la revue et voir tous les numéros, rendez vous dans les pages de la collection

Lire un extrait
À lire
Nouveauté
La Nouvelle Revue Française - Collectif
Printemps-été 2025
Automne 2024
Printemps 2024