La Russie a longtemps porté l'empreinte d'Ivan le Terrible. Elle lui doit ses premières grandes conquêtes, son unité, son orgueil, sa politique particulière et cette sorte de situation à part en Europe qui s'affermit de plus en plus de nos jours. L'appel que le gouvernement actuel de Moscou adresse aux techniciens occidentaux et aux ingénieurs du nouveau monde rappelle singulièrement à l'historien les invitations que le premier tsar lançait à Berlin, à Londres ou à Venise à l'époque de la Renaissance. Aujourd'hui, comme au XVI^e siècle, nous assistons en Russie à une crise sociale sans précédent, et l'État se transforme politiquement, à quatre cents ans de distance, selon des méthodes presque semblables. Cette analogie, qui peut paraÎlre paradoxale au premier abord, ajoute encore à l'intérêt de cet ouvrage dont la matière historique est si riche par elle-même.
Intimement lié aux guerres du XVI^e siècle et à l'avènement de la nation russe, le règne de ce monarque sanguinaire est constitué par une accumulation de détails historiques, poignants et romanesques, qui en font un combat, un drame perpétuel. L'homme a été considéré successivement comme un père du peuple, un fou, un tyran, un génie, un maniaque. Il est tout cela, et l'héritage qu'il a laissé à Pierre 1^er et à Catherine II, aux aristocrates et aux paysans, montre qu'il fut à la fois un administrateur exceptionnellement doué pour son temps, un érudit, un conquérant et un des grands princes de l'histoire. Quant à sa vie privée, qui a donné lieu à tant de légendes et qu'on ne peut lire sans effroi, André Beucler s'est appliqué à la rendre avec un souci d'objectivité qui est un des mérites de son livre.