«L'histoire d'Énée est contée par Virgile comme une aventure épique, qui comprend les épisodes traditionnels depuis les poèmes homériques, et leurs prolongements, jusqu'à la période alexandrine. Ces épisodes obligés comportaient des aventures sur la mer, un naufrage, à la suite d'une tempête, l'arrivée chez un ou plusieurs peuples étrangers (souvenir du temps où la Méditerranée était le seul lien entre les hommes établis sur ses rives), puis des combats autour d'une ville ou d'un camp, des ambassades pour chercher des alliés ; cela comportait aussi des listes de peuples, ceux qui étaient engagés dans la guerre, à l'imitation du fameux "catalogue" de l'Iliade. À tout moment, aussi, les dieux intervenaient. [...]
L'ensemble du poème, qui comprend douze chants (l'Iliade et l'Odyssée en ont chacun vingt-quatre, mais ce sont des divisions relativement récentes, et artificielles), juxtapose, ainsi qu'on l'a souvent répété depuis l'Antiquité, une Odyssée et une Iliade, c'est-à-dire un récit de voyages et d'aventures sur la mer et l'histoire d'une guerre. Ces deux parties occupent, approximativement, chacune une
moitié de l'ensemble : les six premiers chants appartiennent à l'Odyssée virgilienne", les six derniers à son Iliade. Bien que Virgile, en mourant, ait laissé l'œuvre inachevée, il est certain qu'il n'y eût pas ajouté d'autres chants ; nous
savons en effet quelle était sa méthode de composition. Il avait commencé par écrire, en prose, un récit détaillé et prenait, au gré de sa fantaisie, tel ou tel épisode, qu'il mettait en vers. L'inachèvement ne concernait donc que des détails d'expression, des raccords. Une tentative des éditeurs posthumes pour changer l'ordre des trois premiers chants et mettre le troisième en tête de l'œuvre, afin de faire que le récit suivît l'ordre chronologique des événements, demeura vaine, tant l'ordre voulu par Virgile était inhérent à sa vision des choses.»
Pierre Grimal.