La pensée de Rimbaud a été masquée par une littérature issue de Lautréamont et de Mallarmé et qui tend à affirmer la valeur absolue du rêve et de certaines formules magiques ou poétiques - masquée aussi par tous ceux qui ont nié passionnément le mystère divin pour consacrer la force du combat mené par l'homme.
Il nous a semblé que l'œuvre de Rimbaud se situait au point de rupture des deux tendances, et qu'elle tenait son pouvoir de cette rupture constamment maintenue entre le désir de croire à un mystère et la volonté de définir exactement les raisons et l'action de l'homme. Sa ferveur est une révolte contre les croyances et contre l'incroyance tout aussi bien, contre les forces sentimentales et contre les théories ou toute conduite méthodique, au bénéfice d'une coutume maintenant ignorée, et qui consiste à accomplir les démarches de la vie comme des rites nécessaires.
Une révolte toute pareille semble animer notre époque où l'on cherche visiblement à frayer un passage entre les thèmes poétiques, les dogmes et les idées abstraites, avec le désir de retrouver dans une conscience plus vive certaine doctrine, ou une pratique oubliée, qui peut ne pas être étrangère à la secrète et familière pratique religieuse, malgré tant d'invectives. Sans doute il s'agissait pour Rimbaud d'apporter un témoignage, de laisser la trace réelle d'une pensée inconnue plutôt que de nous livrer des chants et des preuves.