Le récit du scribe est l'histoire d'un homme qui a soixante-dix ans et qui, toute sa vie, s'est fait passer aux yeux des autres pour désintéressé, généreux, intègre, honnête, bon, simple, dévoué, en un mot : parfait. Il a gagné son pain comme écrivain public, mais
on l'appelle aussi «l' homme-aux-livres», on le respecte, on l'admire. Bref, il jouit dans son quartier d'une réputation à faire pâlir d'envie tous les scribes, légistes et pharisiens dont parlent les Évangiles. C'est peu de dire que cette réputation lui pèse : il la hait parce qu'il est trop lucide pour n'avoir pas conscience de son indignité. Et il hait tous ceux qui l'admirent, dont il n'attend plus la moindre parole vraie. Il vit donc dans une solitude totale lorsqu'il rencontre, un jour, un homme jeune, qui a trente ans, et ne met pas longtemps à le percer à jour. Le scribe a trouvé son maître. Dès lors il lutte de toutes ses forces contre ce persécuteur adorable dont l'exigence de vérité n'aura jamais de cesse. Il faudra bien rendre les armes, pourtant, et abandonner, si l'on veut vivre, la vieille cuirasse de l'orgueil. Après une effroyable descente aux enfers, seule l'écriture, celle qui est à la fois vraie, bonne et belle, permet au scribe de trouver la terre sous le ciel et sa dignité d'homme.