Un bateau où vivent quinze hommes, – des hommes qui ont pris une mentalité collective et que la mer ronge chaque jour un peu plus, comme elle attaque et corrode toutes les parties du navire. L'équipage s'est habitué à cette moisissure comme on s'accoutume à une maladie à peine douloureuse, mais qui ne pardonne pas. À terre ces hommes se sentent dépaysés, dans leurs foyers ils ne sont plus que des intrus ; ils n'ont qu'un univers : leur bateau.
M. Barnes, le second du Portland – nouveau venu à bord – est différent. Il s'est fait marin pour s'évader, mais on ne s'évade pas ; il ne voyage même pas, il navigue. Toujours la même route marine, les mêmes ports, les mêmes occupations. Barnes tente de résister, de ne pas se laisser entamer par l'eau. Il n'en faut pas plus pour indisposer
l'équipage qui lui voue rapidement un mépris sournois. Tout le monde à bord, du capitaine au mousse, se moque outrageusement de lui ; son autorité de second est nulle.
Mais une nuit qne le Portland appareillait, un crime est commis si près du bateau qu'on entend les coups de feu. Le navire quitte le port sans que personne à bord ne sache exactement ce qui a pu se passer. Les imaginations travaillent, le drame devient le seul sujet de conversation. «Qui a pu commettre le crime?» ... « Le second?...» Le second qui a embarqué le dernier et après les coups de feu? Peu à peu cette idée s'ancre dans la tête des hommes. Une série d'incidents place Barnes dans une lumière nouvelle. «Sûrement il a tué»... Du coup sa personnalité grandit, la haine et une certaine peur qu'il inspire vont le transformer. Barnes prend conscience de ce personnage qu'on lui impose, il l'accepte et bientôt l'endosse. Métamorphosé, le second du Portland ne se contente plus de se maintenir tel qu'on l'a situé, il ira plus loin, beaucoup plus loin... jusqu'à la chute.
Le drame se joue en dehors des acteurs. Le bateau et la mer inspirent la suite des évènements et modèlent les individus. Qu'ils soient à bord ou à terre, les hommes du Portland restent prisonniers du Portland.