Aucun monde d'aventuriers n'a semble-t-il de secrets pour Henri Danjou. Il nous entraîne aujourd'hui – et quel beau voyage – sur la route des évadés.
Jean Galmot, Albert Londres, Louis Roubaud, Marius Larique, nous ont montré l'horreur des camps des forçats, mais nul n'avait jusqu'ici réussi à savoir ce que peuvent devenir dans les solitudes de l'Amérique, les mille convicts qui chaque année s'évadent de notre bagne. Il faut se reporter à des nouvelles de Joseph Conrad pour apprendre ce que peut être la vie d'un évadé, dans les attirantes terres où se trouvent l'or, le diamant, les bois précieux, le balata et le pétrole.
Henri Danjou est allé chercher la route des évadés dans la nouvelle Espagne. Retrouver des hommes qui se cachent dans l'immense terre des Tropiques, qui étant toujours sous la menace d'un retour dans l'enfer qu'ils ont mérité, considèrent tout voyageur comme un ennemi, n'est pas une tâche commode. Notre voyageur s'est fié à la chance de l'aventure.
Dèbarqué au Venezuela, où il obtint des facilités du général-président Gomez pour son grand voyage, Henri Danjou parcourut entièrement la Cordillière méridionale, de la Guyane anglaise jusqu'à la Sierra Nevada en Colombie. Par auto, par pirogue, par avion, il explora les Llanos, le désert de l'or du Callao, la Sierra Léma et la brousse d'Amazonie. Il dût naviguer dix-sept jours pour arriver à Margarita – l'île des pêcheurs de perles – où vit le fameux docteur Bougrat, et durant dix jours l'accusé de Marseille, dont le «cas» souleva
tant de controverses, pût lui confier, ce qu'il n'avait jamais fait jusqu'alors, sa prodigieuse odyssée et son secret. Il parcourut en tous sens la mer des Caraïbes, les montagnes de la Colombie (où il retrouva trois des personnages étonnants qu'Albert Londres avait vus dans les cachots de l'Île du Salut, avant leur Belle) et poussa à Panama et à Costa-Rica. Après cinq mois de voyage il rapporte en Europe l'histoire réelle d'un millier d'évasions étonnantes, et de centaines de vies reconstruites.
On ne peut qu'être étonné de retrouver, dans un rôle nouvean de gardiens d'haciendas, de chasseurs de caïmans, de chercheurs d'or, de bâtisseurs de ville, de médecins illustres, les êtres falots que nos cours d'assises envoient chaque année dans la Chaîne...
Henri Danjou a dressé ces étranges favorisés du destin dans leur décor exotique, s'attachant à nous restituer leur vie dans son intensité primitive. Aventures de la forêt, de la mer, de la brousse, de l'or, des sierras où vivent les derniers Incas, voilà ce que nous découvre La Belle. C'est un témoignage passionnant, coloré, émouvant, pittoresque, recueilli avec une difficulté inouïe, sur une race de hors-la-loi que rien n'effraie plus.