Trad. de l'espagnol par Paul Verdevoye
Cet adolescent que nous avions vu, dans La Forge, faire le dur apprentissage de la vie, est maintenant militaire. Il accomplit «son temps» au Maroc, en qualité de sergent du Génie, au moment de la guerre contre Abd-el-Krim. Comme il est à peu près le seul à connaître la topographie, c'est lui qu'on charge de diriger la construction d'une route. La vie dans le bled, l'existence misérable des troupes, les combats contre les Arabes dissidents, l'exploitation des indigènes, le «Tercio», la vie de garnison dans les grandes villes avec les saouleries, le jeu et les amours sordides et fugitives, tout cela compose un tableau intensément vivant d'une diversité, d'une variété telles qu'on se sent entraîné par ces pages dans des aventures sans cesse renaissantes et partagé entre l'émotion, le rire, l'indignation, Ia
colère. Mais ce n'est point là le seul intérêt de ce récit : son aspect social, politique, et même historique n'est pas moins captivant. L'extraordinaire corruption qui semblait de règle à tous les échelons de l'armée, la misère physique et morale du peuple espagnol lors de la
crise de 1923, la prise du pouvoir par Primo de Rivera, les débuts de la carrière de Franco, sont ici décrits avec un pittoresque dramatique.