Une étudiante est en train d’avorter dans sa chambre, à la cité universitaire. Seule. L’innommable attente se charge peu à peu d’images, de souvenirs, de culpabilité… Et si c’était la punition ?
Un modeste café-épicerie de petite ville, à la limite de la campagne. Les Lesur ont une fille unique, Denise, brillante élève de l’école libre, douée, intelligente. Lentement, l’école, la compagnie d’élèves de milieux plus aisés, les humiliations secrètes, la culture surtout, la coupent de ses parents, de leur vie et de leur langage. Sans la moindre tendresse, avec une cruelle lucidité, la petite fille analyse le milieu où elle est née. Elle n’y voit que vulgarité, mesquinerie, ennui, conventions et préjugés étroits. La crasse, la trivialité, la grossièreté, la laideur et le bruit sont envahissants. Il faut vivre avec des clients dont les propos insipides ne se renouvellent jamais, avec des petits vieux de l’hospice attablés pendant des heures à siroter un verre, avec des parents frustes qui ne s’occupent que de leur boutique. Comment la tendresse et l’affection pourraient-elles résister dans un tel climat, et en comparaison d’un monde plus beau, plus riche, dévoilé par la culture scolaire ?
Du jour où Denise, alors en seconde, fait la chasse aux garçons, elle arrive à prendre un peu de distance vis-à-vis de ses études, du café. Pas n’importe quels garçons… ceux qui ont de l’aisance, du bagou et des manières qui l’éblouissent. Elle se découvre initiée progressivement et par plusieurs aux plaisirs de son corps et de l’ambition satisfaite. Étudiante, libérée enfin de son enfance, de sa famille, du café-épicerie, elle croit atteindre son but. Jusqu’au jour où elle tombe enceinte.
Écrit avec une âpreté et une violence qui s’imposent, ce livre illustre le déchirement vécu par les enfants issus de couches sociales populaires qui accèdent à la culture.