Aimé Courant, trente ans, professeur d'histoire dans une institution libre, est vaguement politicien radical le soir dans les tavernes. Besogneux, revendicatif, il rencontre chez des amis Anna Keller, quarante-deux ans, veuve riche et peintre demeurant quai Voltaire. C'est le coup de foudre.
Aimé est un beau garçon, beau parleur et qui aime s'écouter.
Elle est deux fois veuve, d'un industriel riche, et, en secondes noces, d'un égyptologue «distingué», comme il se doit, Keller – il y a un musée Keller quelque part.
Ils s'épousent. Il devient le mari d'une femme qui fait parler d'elle, et, hélas, il fait peu parler de lui. Il y a entre eux une cassure qni va s'agrandissant de jour en jour. Il a fait le tour de cette artiste, qui aime la publicité tapageuse, et qui, sous des dehors de tendresse, est d'une âpreté presque inhumaine : elle s'aperçoit qu'Aimé n'est qu'un pauvre type.
lI la trompe avec une petite femme proche du peuple, et sa pensée oscille sans cesse entre la générosité et la défense de ce capital qui lui apporte le confort...
Anna, elle, fréquente un dominicain – se sent très Revue des Jeunes – et accorde ses faveurs à un vieux critique d'art qui lui consacre des chroniques brillantes
et inutiles.
Le hasard met Aimé sur la voie d'une famille aisée ; il y a là un garçon de quatorze ans dont il sera vaguement précepteur, et une fille de dix-neuf ans, Véronique. Il s'éprend de Véronique... l'enlève...
Il y a scandale.
Anna tente de faire front, de ramener tout dans l'ordre. Et elle se refuse au divorce par vengeance.
Aimé se cramponne, fuit de plus en plus vers la
gauche – l'antibourgeoisie – et, un soir de bagarre à laquelle il est mêlé malgré lui, il périra, non d'une balle, mais bêtement renversé par un taxi.
On lui consacre de nombreux articles, on fera une souscription pour une plaque ou un monument à sa mémoire... et Anna deviendra la veuve d'un grand homme. Véronique s'en ira dans l'oubli.