Jérusalem! Jérusalem! est d'abord un roman théologique puisque le personnage central, Cécile Kaufman, une jeune juive de dix-neuf ans, y refait, en 1962, le chemin évangélique. Épreuve après épreuve elle invente un nouveau Christ, espiègle et passionné, qui apparaît comme la figure moderne de l'ancien. Mais le récit ne se réduit pas à une Imitation malicieuse et funèbre de Jésus-Christ. Alain Roger nous propose d'autres explications au fur et à mesure que le roman se déplie. Ne serions-nous pas plutôt au cœur d'une vaste psychanalyse que l'auteur (ou le lecteur) s'appliquerait pour se libérer de ses fantasmes ou de sa culpabilité? Cécile n'est-elle pas le Prolétariat en personne, séduit par le paternalisme du libraire, dont la dictature esthétique et érotique symboliserait l'hégémonie du
Capitalisme? À moins qu'il ne s'agisse d'une longue méditation sur la fonction de l'art, l'avènement de l'érotisme? de l 'expérimentation de
certaines techniques romanesques, celle du Je multiple en particulier? Autant d'exégèses insolites et quelque peu insolentes qui ne rompent jamais la trame du récit (d'une ordonnance toute classique), mais s'y nouent pour faire de ce roman un creuset des obsessions qui hantent notre temps.