La plupart des historiens, même les moins royalistes, ont présenté la formation de la France en nation comme étant uniquement l'œuvre de ses rois, la France n'apparaissant guère que comme une matière qu'ils ont intelligemment pétrie. Julien Benda tient que cette formation est,au moins pour autant, l'œuvre de la France, laquelle eut de très bonne heure la volonté d'être une nation et l'a réalisée, du moins pendant longtemps, par le moyen de ses rois, la grandeur de ceux-ci étant de l'avoir, en général, merveilleusement bien comprise. La vérité serait peut-être de dire, non pas que les rois ont fait la France, mais que la France s'est servie de ses rois pour se faire, comme elle se servira ensuite de ses assemblées révolutionnaires, de ses dictateurs napoléoniens, de ses ministres radicaux. Ce qui a fait la France, c'est, par-dessous les divers serviteurs qu'elle aura successivement employés, la France elle-même.
Donnant plus d'importance historique aux volontés collectives qu'à l'initiative personnelle, aux tendances inconscientes qu'aux desseins réfléchis, plus sensible, en face d'un
développement vingt fois séculaire, à la continuité de son principe interne qu'à la diversité de ses formes extérieures, la nouvelle œuvre de Julien Benda est le type de l'histoire vue par un philosophe ; c'est dire tout à la fois les attaques et les sympathies qui l'attendent.