Qu'est-ce que l'acteur? II donne une réalité charnelle à une fiction imaginaire, au point de la rendre plus vraie qu'un être vivant. Mais est-ce un monstre? Sans doute...
Cependant, ce n'est pas partout le même monstre : le rôle, la signification existentielle de l'acteur changent avec les soclétes et les civilisations. Du moins, si divers soit-il, le comédien porte avec soi le mirage d'une liberté promise, sans cesse différée.
Et, pour cela, il est un «exclu de la horde». Les passions qu'il construit avec son corps et sa parole n'évoquent-elles pas l'extase des danses de possession? Comme «l'élu des esprits» du vaudou ou du candomblé, le comédien s'isole du reste des hommes pour accentuer les particularités individuelles d'un personnage et communier par là avec un public.
Telle est la fonction des monstres sociaux, ces êtres incasables, hérétiques, «atypiques» : ouvrir des régions nouvelles à l'expérience humaine, s'emparer de la substance sociale pour en faire la substance de l'art.