Collection Nos vies
Entretien avec Jean-Michel Delacomptée,
directeur de la collection
« Très vite, le thème de “Nos vies”
m’est apparu. “Nos vies”, cela partait
de l’intensité du besoin d’écrire. »
Comment est née l’idée de la collection « Nos vies », que vous venez de créer ?
D’un point de vue strictement chronologique, tout commence avec la mort de mon ami J.-B. Pontalis et l’arrêt de sa collection « L’un et l’autre ». J’ai alors ressenti, comme bien d’autres auteurs qui avaient publié dans cette collection, le manque d’un lieu d’accueil. Très vite, en réfléchissant, le thème de « Nos vies » m’est apparu. « Nos vies », cela partait de l’intensité du besoin d’écrire.
Précisément, le titre de votre dernier ouvrage paru dans « L’un et l’autre » est Écrire pour quelqu’un. Peut-on y voir un rapport avec « Nos vies » ?
En effet, je suis convaincu qu’on écrit toujours « pour quelqu’un », et l’influence inconsciente de ce titre a joué. On n’écrit pas pour soi, il y a toujours une raison, une ombre, un fantôme. C’est de là que naît la nécessité d’écrire.
En quoi considérez-vous le premier titre publié dans « Nos vies », Un vieux dans le soleil couchant, d’Yves Mabin, comme emblématique de la collection ?
C’est une expérience de vie extrêmement forte. Yves Mabin, qui a atteint un certain âge, a subi des désastres physiques qui l’ont laissé très affaibli. En même temps, c’est un poète dans l’âme, un homme d’une immense sensibilité, qui a un sentiment très puissant de la vie. Et il sait très bien, comme poète, qu’il n’est pas question de se livrer à une autobiographie.
Justement, comment raconter une vie en évitant d’être autobiographique ?
Il ne s’agit pas de dire la réalité, mais la vérité. Ce n’est pas la même chose. Décalquer ce qu’on croit réel, faire un récit de sa vie comme on le ferait à un de ses proches, dire « voilà comment j’ai vécu », non, cela ne m’intéresse pas. La vérité est une transmutation, une transsubstantiation, en quelque sorte. Et pour faire une œuvre à partir de ce qui est vécu, il est fondamental de passer par l’écriture.
Plus largement, quel genre d’ouvrages souhaitez-vous accueillir dans la collection ?
J’aimerais l’ouvrir vers un public assez large, en restant proche de la vie concrète, avec des auteurs qui s’impliquent en tant que tels. Je le répète, il ne s’agit ni d’autobiographie ni de narcissisme, mais d’une adresse au lecteur pour lui parler de quelque chose qui nous touche tous, que ce soit un moment essentiel de la propre vie de l’auteur ou un thème qui lui tient extraordinairement à cœur. J’aime assez cette idée de « tenir à cœur ». Il y a là une dimension presque charnelle de l’existence, à exprimer nécessairement dans une langue d’une haute tenue. Ce caractère éminemment littéraire est pour moi essentiel.
Entretien réalisé avec Jean-Michel Delacomptée à l'occasion de la parution de la nouvelle collection Nos vies.
© Gallimard