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Daniel Cordier (1920-2020)

Avant-dernier compagnon de la Résistance, Daniel Cordier s’est éteint le 20 novembre 2020 dans sa centième année. Galeriste et marchand d’art reconnu après guerre, celui qui s'engagea dans les FFL dès juin 1940 et assista Jean Moulin de l’été 1942 à son arrestation le 21 juin 1943 fut un témoin privilégié et un historien exigent de la Résistance.

Daniel Cordier. Photo coll. part.

Daniel Cordier est né à Bordeaux en 1920. Maurrassien, il milite à l’Action française quand éclate la Seconde Guerre mondiale. Révolté par le discours du maréchal Pétain annonçant l'armistice le 17 juin 1940, il embarque pour l’Afrique du Nord, décidé à poursuivre le combat. Débarquant finalement en Angleterre, il s’engage dans les Forces françaises libres du général de Gaulle dès le 28 juin. Parachuté en métropole le 25 juillet 1942, il entre au service de Jean Moulin et participe, à ses côtés, à l’unification des mouvements de résistance en un Conseil national de la résistance.
Après la guerre, il s’oriente vers une brillante carrière de marchand d’art contemporain. À la fin des années 1970, choqué par les mises en cause de Jean Moulin, il entame une carrière d’historien-témoin pour défendre sa mémoire. Il lui consacre ainsi deux sommes étayés de nombreuses archives qui firent date, Jean Moulin. L’inconnu du Panthéon (J.-C. Lattès, 1989-1993) et Jean Moulin. La République des Catacombes (1999). Il est également l’auteur d’Alias Caracalla (2009, prix Renaudot essai) et de La Mémoire en pleurant (2021) où il raconte, sous la forme d’un journal, ses années au sein de la France libre, De l’Histoire à l’histoire (Gallimard, 2013) et d’un récit, Les Feux de Saint-Elme (Gallimard, 2014). Un hommage national lui a été rendu le 26 novembre 2020 à l'Hôtel des Invalides.

Un historien passionné d'archives

« Daniel Cordier n’a jamais caché sa méthode de travail. Il nourrissait pour les archives un amour éperdu, qui l’entraînait très loin : son appartement, sa maison étaient envahis de livres, de documents photocopiés, de manuscrits parce qu’il avait conscience des distorsions qui s’installent toujours entre les souvenirs et ce que l’on trouve dans les sources écrites. Mais il était autodidacte et, plus que d’autres, il souffrait de l’angoisse de la page blanche. Il avait donc besoin que l’on suscite son élan. À part quoi c’était un perfectionniste extraordinaire. Quand il  prenait conscience qu’il avait commis une erreur d’analyse, il considérait qu’il fallait tout reprendre à zéro – ou presque. Cela explique pourquoi ses projets ont pris tant d’années à voir le jour. »

Bénédicte Vergez-Chaignon

Propos recueillis par Frédérick Casadesus
le 23 novembre 2020 (regardsprotestants.com)

« Quand Daniel Cordier débarqua chez Gallimard avec ce qui allait devenir bien plus tard, en 2009, ses Mémoires, Alias Caracalla, il y en avait, à peu près, 2 500 pages. "Et encore, se souvient son éditeur, l’historien Pierre Nora, il arrivait à peine à 1940. Le texte était composé d’un monceau de documents et d’archives." […] Si Cordier est arrivé vers 1995 chez Gallimard, c'est parce que Pierre Nora a entendu parler de son projet d'écrire ses Mémoires. "J'étais intéressé par son parcours d'homme d'extrême droite maurrassien qui se convertit à la République. Jusque-là, c'était beaucoup d'anciens communistes résistants qui avaient écrit leurs Mémoires." »

François-Guillaume Lorrain
« Résistance - L'entreprise Cordier », Le Point, le 25 novembre 2020

© Éditions Gallimard